Back from Verdun, bis.
Après la (re)lecture des Croix de Bois, son envers en quelque sorte, A l'ouest rien de nouveau d'Erich Maria Remarque (Son vrai nom est
Kramer ou Remark), écrit en 1929, tourné en film en 1930 aux Etats-Unis, quelques années avant que Remarque ne fuie cette Allemagne qu'il ne reconnaît plus et qui s'est jetée dans les bras des
barbares nazis. A 'louest rien de nouveau, car à la fin,le héros meurt, en octobre 1918 alors qu'un communiqué se borna à signaler que "A l'ouest, rien de nouveau".
Son envers parce qu'après le point de vue du poilu français, voilà celui du poilu allemand.
Les similitudes sont frappantes, même ignorance des repères
temporels, ou spaciaux, mêmes découverte, même Kamaraderie, mêmes scènes épouvantables, mêmes souffrances, mêmes grosses blagues de bidasses, même inconfort, mêmes rats. Même morts.
Il est d'ailleurs assez surprenant de lire des formules assez voisines dans les deux livres, le jeu de la traduction mis à part.
De la même manière que Dorgelès, Remarque présente une escouade, dans laquelle on retrouve des figures types assez voisines de celles choisies par Dorgelès, à cette différence, majeure, près, que
cette escouade est constituée de jeunes engagés provenant d'une même classe, pratiquement obligés par leur maître le professeur Kantorek, qu'ils retrouvent d'ailleurs, alors qu'il a été mobilisé
comme territorial et lui font subir les pires avanies. Il y a d'ailleurs un plaidoyer sur la vie perdue très émouvant et réaliste, sans doute très à contre-courant ce qu'il fallait écrire en
1929.
Ces jeunes-là ont perdu leur vie : à quoi leur sert donc de connaître des théorèmes de mathématiques, les noms des fleuves, etc. si l'on ne sait pas la différence entre un obus fusant et un obus
percutant, si on ne sait pas ramper entre les tranchées, faire la différence entre un "gros cul" (obus français de 400mm) et les fusants qui arrivent en sifflotant, comme par hasard, si on n'est
pas capable de mesurer l'impact des bombes, si c'est pour mourir écrasé par le plomb et l'acier dans une campagne ravagée de France? Et à quoi servira donc tout cet apprentissage de la guerre
après celle-ci, lorsque tout fera penser à la guerre, et alors que tout le monde aura repris sa petite vie et oubliera bien vite la guerre et ses soldats, morts ou vivants?
« Naturellement, on ne peut pas rendre Kantorek responsable de la chose, autrement que deviendrait le monde si on voyait là une culpabilité? Il ya eu des milliers de Kantorek, qui, tous, étaient convaincus d'agir pour le mieux, d'une manière commode pour eux.
Ils auraient dû être pour nos dix-huit ans des médiateurs et des guides nous conduisant à la maturité, nous ouvrant le monde du travail, du devoir, de la culture et du progrès - préparant l'avenir. Parfois, nous nous moquions d'eux et nous leur jouions de petites niches, mais au fond nous avions foi en eux. La notion d'une autorité, dont ils étaient les représentants, comportait à nos yeux, une perspicacité plus grande et un savoir plus humain. Or, le premier mort que nous vîmes anéantit cette croyance. Nous dûmes reconnaître que notre âge était plus honnête que le leur. Ils ne l'emportaient sur nous que par la phrase et l'habileté. Le premier bombardement nous montra notre erreur et fit écrouler la conception des choses qu'ils nous avaient inculquée.
Ils écrivaient, ils parlaient encore et nous, nus voyions des ambulances et des mourants ; tandis que servir l'Etat était pour eux la valeur suprême, nous savions déjà que la peur de la mort est plus forte.»
"A liouest rien de nouveau" est plus sombre encore que "Les croix de bois", les croix étant ici noires (au passage, quelle explication pour la couleur des croix? Blanches pour les français, les
anglais ou les américains, noires pour les allamands. Pour les croix plantées par les allemands, cela vient du marbre de bavière, mais pour celles plantées par les alliés? J'ai lu une
explication, peu convaincante, selon laquelle les vainqueurs avaient des croix blanches, les vaincus des croix noires, mais Dorgelès raconte voir sa première croix noire au tout début du livre, à
une date ou par hypothèse, le vainqueur est inconnu).
Plus sombre car la souffrance des soldats est présentée de manière plus terrible, plus noire; ainsi, la nourriture qui finit par rendre les soldats plus malades que les bombes, ainsi le
temps passé dans les tranchées, ainsi le sentiment de perdre la guerre, sensible à la fin du livre, ainsi les descriptions des horreurs des tranchées, des pelles utilisées dans les combats au
corps à corps, plus efficaces que les baïonnettes, les terribles effets des bombes, des gaz, par retour à l'envoyeur.
"A l'ouest rien de nouveau" est plus pacifiste aussi que "Les croix de bois" et rend hommage à tous les morts de la guerre ; c'est un cri tout entier de haine à la guerre, de haine aux hommes de
guerre, un chant d'amour à la vie. Un livre formidable.