Et c'est reparti pour un (dernier?) tour au sujet de la réforme de la réforme du droit des contrats.
Reprenons :
1) l'ordonnance de 2016 modifie les règles du Code civil. Elles sont globalement bien accueillies, sinon quelques éléments de détail.
2) Un projet de loi de ratification de l'ordonnance est déposé durant l'été 2017 (il faut achever le processus constitutionnel et conférer valeur législative aux règles nouvelles, c'est fait) : objectif ratification en l'état.
3) Diverses consultations par le Sénat dont beaucoup se résument par une formule simple "ne touchez à rien, le juge s'en chargera" (outre le fait que changer quoi que ce soit aboutirait à un nouveau problème de droit transitoire), aboutissent à un texte adopté en commission qui modifie en profondeur le texte de l'ordonnance de 2016.
4) La Cour de cassation considère que l'évolution du droit des obligations résultant de l'ordonnance de 2016 la "conduit" à apprécier différemment (qu'auparavant) différentes prescriptions (issues de l'interprétation des anciennes règles) et appliquent des règles nouvelles, par trois dont deux fois à la veille de l'examen par le Sénat du projet de loi de ratification
5) Patatras, poursuivant son mouvement entamé déjà pendant l'examen de la loi d'habilitation, le Sénat vote, le 17 octobre 2017, une petite loi amendant très largement les règles du Code civil, dont les articles 1110, 1137, 1171, 1195, notamment, et ajoutait à l'article 9, al. 2 de l'ordonnance qui traite de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et de la "survie" (résurrection?) de la loi ancienne une formule provocatrice et en tout cas directement en réaction aux décisions de la Cour de cassation : les dispositions anciennes perdurent, "y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ».
6) La boîte de Pandorre est ouverte et donc, youpi tralala, tout le monde y va, devant l'Assemblée Nationale en première lecture, de ses propositions d'amendement, y compris en faveur du rétablissement de la cause, proposition soutenue curieusement par la FI et le FN. Vote d'une petite loi amendée, le 11 décembre 2017. L'article 1110 (remplacement du terme "négociable" par "négocié" et l'article 1137 font les frais, déjà de ce va-et-vient.
7) Retour au Palais du Luxembourg (formule pédante pour initiés, un peu comme "les sages de la rue Montpensier") qui en remet une petite couche, pour une nouvelle mouture adoptée le 1er février 2018. On retiendra la modification, qui semble consommée de l'article 1110 (et V. Th. Revet, "L'incohérent cantonnement par l'Assemblée nationale, du domaine du contrat d'adhésion aux contrats de masse", D. 2018, p. 124), de l'article 1137, 1171, 1195 (again). Ajoutons une formidable simplification de la question du droit transitoire :
"Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1195, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et l’article L. 112-5-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques postérieurs à son entrée en vigueur.
Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1352-4 et 1347-6 du code civil ont un caractère interprétatif.
I bis. (nouveau) – La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
II (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est complété par les mots : « , y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ».
8) Le dossier revient donc devant l'Assemblée Nationale. espérons que la sagesse l'emportera. Nous avions pesté après le vote en première lecture par le Sénat, ici, avec une efficacité rare d'ailleurs.