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Au Sénat, la proposition de réforme de la réforme du droit des contrats (en cours d'adoption). (mis à jour 19 oct. 2017, 14:00)

 

Après l'adoption de la réforme du droit des contrats issue de l'ordonnance du 10 février 2016, sur la base de la loi d'habilitation du 16 février 2015, le temps de la ratification, tardive, était arrivé. Il l'était d'autant plus que la Cour de cassation avait commencé d'appliquer l'ordonnance, en tenant compte de "l'évolution du droit des obligations", autre, et subtile, manière, d'interpréter les termes de l'article 9 de l'ordonnance de 2016.

Il était donc temps, et le projet de loi, devant le Sénat, se proposait de transposer, "en l'état", comme c'est d'ailleurs l'habitude, pour ne pas dire l'usage.

C'était sans compter avec l'esprit de conservation du Sénat, qui avait déjà discuté et rejeté le projet de loi d'habilitation, estimant que l'importance de la matière justifiait un débat parlementaire, de manière d'être à peu certain, que, par lobbyings croisés s'annulant, rien ne changerait, ou peu.

Après auditions de spécialistes, certains proposant des modifications, souvent techniques, sur le mode du numéro de la revue de droit des contrats formulant un certain nombre de propositions en ce sens, certains recommandant une ratification en l'état, en laissant le soin à la pratique et au juge, surtout, de boucher les trous, affiner les règles, enfin, les faire vivre, comme avaient vécues celles issues du Code civil de 1804 (Cf. R. Mortier, Pour une ratification-interprétation de l'ordonnance réformant le droit des contrats, Droit des sociétés n° 10, Octobre 2017, repère 9 ; N. Molfessis, Pour une ratification sèche de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, JCP G, n° 41, 9 octobre 2017, 1045), on s'attendait à une ratification comportant quelques modifications légères, voire marginales.

Pourtant, poursuivant son combat entamé durant la discussion de la loi d'habilitation, le Sénat considère que l'ordonnance de 2016 a fait des choix "politiques" et que, pour cette raison, il convient de la modifier. Le rapport qui se propose de "corriger des malfaçons et de lever des difficultés d'interprétation", ne s'en cache pas (p. 18):

 

Certes, l’idée sous-jacente de ces nouvelles prérogatives du juge est de mieux protéger la partie faible au contrat, selon un principe de «justice contractuelle», mais c’est sans doute là qu’il faut voir, pour votre rapporteur, la dimension la plus politique et la plus novatrice d’une réforme pourtant présentée comme essentiellement technique pour justifier le recours à une ordonnance. Alors que l’habilitation n’était pas aussi explicite sur de telles innovations, celles-ci auraient justifié à elles seules l’examen de la réforme par le Parlement.

Dans son rapport, notre collègue Thani Mohamed Soilihi considérait d’ailleurs que «la réforme du droit des obligations pose des questions politiques majeures, qu’il revient au seul Parlement de trancher», s’agissant en particulier de «l’équilibre à retenir entre l’impératif de justice dans le contrat, qui peut justifier une plus grande intervention du juge, ou une modification des termes du contrat, et celui qui s’attache à l’autonomie contractuelle et à la sécurité juridique du contrat, qui peut justifier qu’une partie reste tenue par ces engagements, même s’ils lui deviennent défavorables».

Certes circonscrites, ces innovations modifient l’esprit du droit des contrats dans le code civil, en l’éloignant de l’idée d’équilibre et d’égalité des parties, alors qu’il appartient aux droits spéciaux – baux d’habitation et baux commerciaux, code de la consommation... – d’appréhender les cas de relations contractuelles structurellement déséquilibrées.

Néanmoins, dès lorsque l’ordonnance, globalement bien reçue par la doctrine et par les praticiens, consolide, modernise et clarifie le droit des contrats, sans le bouleverser ni constituer une rupture, et que très peu de dispositions demeurent sérieusement contestées, la ratification n’en est que moins difficile pour votre commission, à condition toutefois d’apporter les corrections de nature à répondre aux critiques les plus fondées.

 

En quoi le parlement serait-il "le seul" à pouvoir "trancher" des questions politiques, mêmes majeures? Tous les jours des "choix politiques sont faits", dans les collectivités territoriales, dans les bureaux de l’Élisée, des ministères, mais aussi dans les Palais de justice, au parquet notamment, mais pour chaque décision de justice, à la cour de cassation notamment (l'arrêt Alma Mater n'était-il pas, en 1991, un choix politique majeur?) et dans chaque prétoire (une peine lourde ou une peine légère, le choix de considérer que le "consentement" d'une gamine empêche la qualification de viol, etc.), dans les urnes, dans la presse, dans l'art, dans la rue, partout on fait des "choix politiques majeurs". Et en quoi l'article 1171 serait-il plus "politique" que l'article 1217 sur l'exécution force en nature ou 1124 sur la promesse unilatérale de contracter (qui, moi, avec mon tropisme, me paraît un choix très politique) ?

Ce sont ainsi 14 amendements qui sont  adoptés par la Commission, puis adoptés par la Commission des lois du Sénat, discutés et adoptés définitivement (avant discussion par l'Assemblée nationale) par le Sénat depuis hier, 16 octobre, amendements d'autant plus surprenants que le rapporteur indiquait qu'il ne souhaitait pas créer un problème de droit transitoire, dont le moins qu'on puisse en dire est qu'ils font l'effet d'une bombe et qu'ils créeront, s'ils sont adoptés, un vrai problème de droit transitoire (comp. B. Dondero, La réforme de la réforme du droit des contrats?), que le rapport rédigé est de grande qualité, ce qui est en général le cas de ce type de document (à la question près de l’entrée en vigueur des normes nouvelles où sont sciemment confondues les questions de rétroactivité et d’effet immédiat, rapport p. 23 s.). S'ils sont adoptés au final, ce dont on peut douter si on admet que le même processus que pour la loi d'habilitation est suivi, l’effet serait exactement le contraire de l’effet recherché.

 

Le terme "invraisemblable" vient immédiatement à l'esprit, pour le moins. Qu'on en juge (les nouveaux articles tels qu'ils résulteraient d'une adoption de ces propositions par l'Assemblée nationale sont ici présentés indépendamment des amendements et de la numérotation d'article du projet de loi amendé, texte initial, texte modifié, texte finalement adopté ; Adde : M. Mekki, Ne défigurez-pas l’ordonnance ! Plaidoyer pour une rectification à la marge de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, Gaz. Pal. à paraître). 

 

L’article 1110 du code civil deviendrait :

Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées négociables  entre les parties.

Le contrat d'adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, qui comporte des clauses non négociables, unilatéralement sont déterminées à l'avance par l'une des parties.

 

Évidement ça n'a pas beaucoup de sens : un contrat de gré à gré est un contrat négocié, et non un contrat négociable, et un contrat d'adhésion un contrat non négocié, sauf à réduire, ce qui est sans doute l'objectif, le domaine des contrats d'adhésion à sa plus simple expression, à peu près celle des contrats de consommation. Or, un contrat négociable n’est évidement pas la même chose qu’un contrat négocié : nombre de contrats d’affaires sont, hypothétiquement, négociables, les contrats de financement, les contrats de distribution, etc., mais ne sont pas négociés et sont des contrats d’adhésion, en tant que « contrats structurellement déséquilibrés » (Cf. Th. Revet, « Les contrats structurellement déséquilibrés », D. 2015, p. 1217).

 

L'article 1112 deviendrait :

L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages.

 

La chose s'entendait d'évidence, mais la proposition illustre ce souci terrifiant du législateur supposé omnipotent de tout prendre en compte.

 

L'article 1117 deviendrait :

L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un délai raisonnable.

Elle l'est également en cas d'incapacité ou de décès de son auteur ou de décès de son destinataire.

 

L’article 1123 deviendrait :

Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

Lorsqu'un contrat est conclu avec un tiers en violation d'un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.

Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable de deux mois, l'existence d'un pacte de préférence et s'il entend s'en prévaloir.

L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

 

Cet alinéa était, en toute hypothèse, de peu d’utilité : il aurait fallu que le tiers soit informé de l’existence du pacte de préférence, pour interroger le bénéficiaire, information qui suppose qu’elle entre dans le champ de l’article 1112 ou de l’article 1137 (avant proposition de modification).

 

 

L’article 1137 deviendrait :

Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie, qu’il devait fournir à l’autre partie conformément à la loi.

 

Ici les choses sont également claires : il s’agit de faire obstacle à l’interprétation possible, et déjà faite, de la Cour de cassation sur le dol, dit « de l’acheteur ». L’article 1112-1 en effet permet aujourd’hui de sanctionner, par des règles de responsabilité civiles extracontractuelles, l’absence d’information, « dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre » et légitiment ignorée, sauf les informations portant sur la valeur de la chose. C’est assez évident, je vends cette chose 1000 €, mais je vous informe que sa valeur (laquelle, vénale, comptable, de marché, en France, ailleurs ?) est de 500 €, ce serait la ruine du commerce. La compatibilité entre le prix et la valeur est du ressort de la fiscalité ou du droit de la concurrence, en général. Or, l’article 1137 permet d’annuler un contrat lorsque a été dissimulée une information dont on sait le caractère déterminant pour l’autre, y compris relative à la valeur. Les deux textes ne sont pas parallèles et c’est aussi logique ; dans un cas, une information sur les éléments déterminants, moins la valeur, et une sanction par la responsabilité, et de l’autre, une sanction par la nullité, en cas de dissimulation, d’une information, y compris relative à la valeur. C’est ici l’hypothèse du vendeur qui « oublie » d’indiquer qu’un contrat essentiel pour l’estimation de la cession de titres va être rompu, ou de l’acheteur qui « omet » de révéler que tel terrain va être constructible par exemple. Les circonstances étaient, en toutes hypothèses, exceptionnelles et en général, rejetée à l’issue de la jurisprudence sur le « dol de l’acheteur ». L’amendement viserait, assez naïvement, à verrouiller la situation : les cas de dol de l’article 1137, al. 2 seraient celles de l’article 1112-1, les informations déterminantes, moins la valeur. Deux remarques, c’est là craindre un loup qui n’est pratiquement jamais apparu, ou très rarement. A l’appeler, en général, il vient. Par ailleurs, la jurisprudence a, jusqu’ici sanctionné bien des erreurs sur la valeur, par exemple, alors pourtant que celle-ci était, et demeure, proscrite, et ce via le recours à d'autres outils, comme la cause (demain le but), l’économie du contrat, la rentabilité, le prix dérisoire, etc. Tout ceci est donc bien vain.

 

L’article 1143 deviendrait :

Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

 

Nouvelle petite réduction : la notion de dépendance est en effet utilisée dans d’autres branches du droit, et notamment en matière de droit de la personne, voire de la famille : la dépendance peut être physique, morale, sociale, etc. Elle ne serait donc plus qu’économique, à supposer que ce terme, « économique », soit lui-même précis.

 

L’article 1145 deviendrait :

Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, par les des règles applicables à chacune d’entre elles.

 

Bien, bravo...

 

L’article 1158 deviendrait :

Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable de deux mois, que le représentant est habilité à conclure cet acte.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte.

 

Idem que pour l’article 1123, méfions-nous, encore, de ce terrible juge, capable de confondre mois et années, voire lustres.

 

L’article 1161 deviendrait :

En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts.

Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié.

 

On s’attendait à une modification de l’article 11156 et surtout de l’article 1161, même s'il aurait suffit d’ajouter « d'une personne physique » après le terme « représentant », mais les spécialistes de droit des sociétés promouvaient cette restriction, de manière à éviter les difficultés de compatibilité de ce texte avec les règles de représentation du droit des sociétés. Un petit passage sur les conflits d'intérêts, même dans les groupes de sociétés, n'était pourtant pas inutile. Désormais une personne morale peut donc s'autoriser plus de largesse qu'une personne physique, en termes de représentation.

 

L’article 1165 deviendrait :

Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande en dommages et intérêts. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat.

L’article 1166 deviendrait :

Lorsque la qualité de la prestation n'est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, le débiteur doit offrir une prestation de qualité conforme aux attentes légitimes des parties, à ce que pouvait raisonnablement attendre le créancier en considération de sa nature, des usages et du montant de la contrepartie.

Là on reste confondu : la modification proposée de l’article 1165 vise à corréler ce texte avec la solution des arrêts du 1er décembre 1995, qui pouvait s’entendre d’évidence, avec l’application des règles relatives à la résolution. Quant à celle de l’article 1166, on peine à mesurer l’impact réel de la modification proposée : attentes légitimes des parties contre attente raisonnable du seul créancier (c’est-à-dire le maître d’ouvrage. Aucun souci pour ces modifications, qui sont de faible effet. Quant au remplacement des "attentes légitimes" par les "attentes raisonnables", limitées à celles du créancier... On se paie de mots.

L’article 1171 deviendrait :

Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, unilatéralement déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

 

L’idée est la même que celle visant à réécrire l’article 1110 : réduire à néant la portée de l’article 1171, dont l’effet utile, actuel, se situe évidement dans les relations non négociées entre professionnels, celles que Thierry Revet désigne comme des contrats structurellement déséquilibrés. D’ailleurs rien n’interdirait à la jurisprudence d’élargir le champ de ce texte (s'il était adopté) via l’article 1162 du Code civil : le « but » du contrat permettrait en effet d’envisager toutes sortes d’interprétation (notons qu'un amendement prévoyait la suppression du texte, comme d'ailleurs de réintroduire la cause).

 

L’article 1195 deviendrait :

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin au contrat, à la date et aux conditions qu'il fixe.

CMF, Art. L. 211-40-1.–Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent des I à III de l’article L.211-1 du présent code, se prévaloir de l’article1195 du code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence ».

Autant supprimer l’article 1195 : la chose a été maintes fois soulignée, c’est le bâton de la révision qui doit conduire les parties à réviser le contrat. A défaut, rien n’est fondamentalement changé par rapport à la jurisprudenc actuelle qui se fera un plaisir de poursuivre son petit chemin entamé en 1992.

L’ajout de l’article L. 211-40-1 du Code monétaire et financier aboutirait par ailleurs à empêcher l’application de l’article 1195 du Code civil, y compris révisé, notamment lorsqu’un changement de circonstances économiques (hausse ou baisse de la valeur des titres, ou des taux de change) entre la conclusion du contrat de cession de titres et le paiement est susceptible de rendre le paiement excessivement onéreux pour ou l’autre des parties, modification souhaitée, notamment par les sociétés de capital-risque.

Là c'est un tout autre débat, relevé d'ailleurs par Hervé Le Nabasque dans un colloque sur l'impact de la réforme sur le droit des sociétés : les cessions de titres ou d'instruments financiers sont-elles des cessions, donc des ventes, comme les autres? les enjeux qui y sont associés justifient-ils un régime spécial (très spécial) de la vente, dans ou hors du Code civil, dans le Code de commerce ou dans le Code monétaire et financier? Cela doit-il concerner tous les instruments financiers, tous les titres? Joli et intelligent débat, mais qui mérite mieux qu'un 'cavalier' dans une loi de transposition dont le sort constitutionnel est prévisible...

 

L’article 1217 deviendrait :

La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

-refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

-poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

-solliciter obtenir une réduction du prix ;

-provoquer la résolution du contrat ;

-demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

 

L’article 1221 deviendrait :

Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

 

L’article 1223 deviendrait :

Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix En cas d’exécution imparfaite du contrat, le créancier de l’obligation peut, après mise en demeure du débiteur, décider une réduction proportionnelle du prix.

S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.

On reste confondu, à nouveau. La modification de l’article 1221 sont purement cosmétiques, tandis que celles des articles 1217 et 1223 sont radicales. Ces textes permettent aujourd’hui une forme de négociation en cas d’inexécution imparfaite, via une « sollicitation », tandis que désormais, le créancier serait son propre juge en pouvant "obtenir" c'est-à-dire « décider », unilatéralement donc, une réduction du prix, ce qui ne semble pas très constitutionnel ni respectueux des droits fondamentaux, comme manière de procéder : il suffirait donc au créancier de considérer que le contrat n’a pas été correctement exécuté (vrai ou faux), pour « obtenir» (décider) une réduction de prix, qui s’imposerait au débiteur, à charge pour lui de conduire une action en justice. C’est là prendre au pied de la lettre la formule de l’article 1223, al. 2 : si le créancier peut notifier sa « décision » de réduire le prix, c’est donc que la réduction a été décidée, et non sollicitée. A moins que la « décision » (dans l'article 1223, al. 2) dont il s’agit soit celle de solliciter la réduction de prix.

L’article 1304-4 deviendrait :

Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie, défaillie.

L’article 1305-5 deviendrait :

La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires et à ses cautions.

Modification surtout intéressante pour l’article 1305-5, mais attendue en jurisprudence.

 

L’article 1327 (cession de dette) deviendrait :

Un débiteur peut, avec l'accord du créancier, céder sa dette.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.

C’est peut-être la seule modification qu’on attendait vraiment, visant à clarifier la question de la cession de dette, sa définition, son régime, ce qui n’est pas le cas ici, sinon pour n'insérer qu’une condition de forme.

 

L’article 1327-1 deviendrait :

Le créancier, s'il a par avance donné son accord à la cession ou et n'y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s'en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu'il en a pris acte.

L’article 1354-4 (restitutions) deviendrait :

Les restitutions dues à par un mineur non émancipé ou à par un majeur protégé sont réduites à proportion hauteur du profit qu'il a retiré de l'acte annulé.

 

Ah, cette détestation tartufienne de la proportionnalité, cachons donc ce mot qu’on ne saurait voir.

 

 

L'article 1343-3 (obligation de paiement de sommes d'argent) deviendrait :

Le paiement, en France, d'une obligation de somme d'argent s'effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l'obligation ainsi libellée procède d'un contrat international ou d'un jugement étranger.

Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie s’il s’agit de procéder à une opération à caractère international ou si l’obligation ainsi libellée procède d’un jugement étranger.

 

L'article 1347-6 deviendrait :

La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l'un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.

La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette.

 

L’article 9 de l’ordonnance de 2016 deviendrait :

I. Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.

Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne  y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.

Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance.

Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation.

II. Le I est applicable à compter du 1er octobre 2016.

Là c’est le comble. Le sénat aurait pu tenir compte de l’évolution jurisprudentielle récente (et prudente) et considérer par exemple que le droit des contrats s’appliquerait dans son intégralité à une date à déterminer, à la manière de l’application de certains textes de l’Union européenne. Il choisit, volontairement, la voie la plus rétrograde :

1) le rapport fait un raccourci entre les exigences constitutionnelles relatives aux atteintes à la liberté contractuelle, justifiées par des motifs d’intérêts général et sa conclusion : « En conséquence, à l’initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement tendant à affirmer plus clairement que les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, le 1er octobre 2016, doivent bien demeurer entièrement régis par la loi ancienne », ce qui n’est pas du tout le contenu ou la conséquence nécessaire des décisions du Conseil constitutionnel citées. Ces décisions du Conseil concernent les atteintes à la liberté contractuelle (contrats imposés ou interdits, par exemple) mais pas, dans celles qui sont citées, la question de l’effet immédiat de ces règles ;

2) il en profite pour imposer une modification de l’article 9, al. 9 dans le sens exactement contraire à l’évolution de la jurisprudence, qui dépasse, e de loin, celle appliquant l’ordonnance de 2016  faisant du « principe » de la survie de la loi ancienne, une norme légale ;

3) il en profite également pour se contredire en faisant en sorte que ces règles nouvelles s’appliquent…rétroactivement au 1er octobre 2016.

 

On peut observer par ailleurs que ces propositions de modifications procèdent d’une évidente philosophie politique disons conservatrice et légaliste. On peut le déduire de la lecture de celles-ci : tout y est :

- surestimation du pouvoir de la loi, jusqu’aux modifications les plus tatillonnes ;

- méfiance dans le juge et notamment la Cour de cassation, alors même que, par nature, la norme légale, dont le génie repose sur la possibilité de modifier, par pans entiers, des domaines juridiques considérables en un trait de temps, produit un sens inconnu tant que ce sens n’a pas été révélé par le juge, le juge souverain, dont le rôle (légal) est précisément de donner uns sens normatif aux énoncés légaux ;

- méfiance dans le juge en ce qu’il pourrait s’occuper des affaires des contractants. Mais si c'est le problème, changeons le droit de la procédure civile, ou alors réformons la formation des juges. Mieux tenons compte du réel et réformons les règles de compétence. Rappelons que le juge ordinaire des contrats (d'affaires) est le tribunal de commerce, ce dont il résulte que le juge (professionnel) ne connaît ces contrats qu'en Cour d'appel (donc par des conseillers qui parviennent à ce niveau après une expérience en formation de première instance totalement éloignée de ces contrats et de leurs raisonnements, pénal, affaires familiales, TI ou formation collegiale de TGI où les contrats présentés sont essentiellement du domaine de la famille ou de l'immobilier) ou alors faisons des chambres commerciales des cours d'appel des chambres de conseillers élus ou mieux échevinales, itou à la cour de cassation;

- confiance maximale dans un « principe d’autonomie de la volonté » qui correspond à une déviation maladroite du projet philosophique et politique des Lumières, ce qui est exagéré, comme Gounot l’avait signalé en 1902 ; volonté de lutter contre toute évolution en faveur de règles protectrices du contactant, etc.

Bref, vivement le débat devant l'Assemblée nationale.

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