Les aventures de Richard Sharpe et autres grandes saga historiques
Le genre des saga historiques romansque n'est pas si varié qu'on l'imagine. Il y a bien sûr celles de Max Gallo, souvent en quatre tomes, il y a des romans historiques, dont les américains se sont fait une spécialité, avec un américano-centrisme parfois confondant.
Il y a surtout quelques séries fleuves et de bonne qualité. Jean-François Parot (qui s'inscrit d'ailleurs dans la grande tradition des diplomates écrivains : Alexis Léger Saint Jonh Perse, Jean-Claude Ruffin par exemple) et ses aventures de Nicolas Le Floch qui, en policier traversant la seconde moitié du XVIIIème siècle, de Louis XV à Louis XVI conduit le lecteur dans cette France et ce Paris prérévolutionnaire, cette société des trois ordres féodaux (le soldat, le prêtre et le travailleur), voire quatre ordres (les nobles, le clergé, les bourgeois, les ouvriers). La fresque historique est admirable et conduit le lecteur dans des enquêtes qui percent le mystère de cette société disparue, avec un talent et des promenades culinaires appétissants. Le dernier de la série, entamée par L'enigme des Blanc-manteau est le neuvième : l'honneur de Sartine, Sartine étant le lieutenant général de la police de Louis XV, puis de Louis XVI.
Il y a bien entendu et il aurait fallu commencer par là la série Fortune de France, de Robert Merle, hélas décédé en 2004, déjà plus ancienne et qui comprend 13 livres. Les six premiers décrivent les aventures d'un jeune noble, Pierre de Siorac, qui cherchent son chemin à travers les guerres de religion, sous les règnes de Charles IX, henri III et surtout de Henri IV, qui devient son mentor. Les 7 autres décrivent la vie de son fils, Pierre-Emmanuel de Siorac, qui montera vivement dans l'échelle sociale, sous Henri IV et Louis XIII. L'originalité de ces livres est, notamment pour les six premiers, de présenter une langue mi-moderne mi-ancienne, mêlée de termes occitans et de vieux français. Il y a des capes, des épées, des femmes, des amours déçues, des intrigues, des guerres, des chateaus, des rois, etc.Tout cela se lit en un été, sans pouvoir décrocher de ces livres exceptionnels. On notera particulièrement le tome 2, en nos vertes années qui se déroule à Montpellier, dans la faculté de médecine, ou Pierre de Siorac apprendà devenir médecin, ce qui lui permet d'exercer une activité professionnelle sans déroger à sa noblesse tout récemment acquise par son père.
On peut citer également les aventuers du capitaine Alatriste écrite par un auteur qui rédige également des polars Arthur Perez-Reverte qui se déroulent dans l'Espagne du début du XVIIème siècle durant le déclin de cette Espagne de l'âge d'or. Les personnages sont classiques, un capitaine, Alatriste, qui est le mentor d'un jeune homme Inigo Balboa, qui découvre Madrid, la vie, les femmes, dont la fille de l'intraitable secrétaire du roi Philippe IV, Luis d'alquezar, des poètes, dont le grand Franscisco de Quevedo, un ennemi implcable, Malatesta. Six livres qui commencent avec capitaine Alatriste et s'achèvent aujourd'hui avec Corsaires du levant. Un film en a été tiré, avec un Viggo Mortensen étonnement espagnol, trop vite scénarisé à mon goût mais qui présente une qualité exceptionnelle, sa photographie. Certaines scènes sont des reproductions des tableaux de Velasquez. Il ny a pas les ménines mais des scènes qui reprennent des compositions de personnages ou des natures mortes dans le films avec une lumière qui rend très convaincant ces essais. A voir rien que pour ces petits moments de bonheur.
Enfin, deux séries qui font mal, très mal, à la France, celle des aventures de Jack Aubrey et du docteur Stephen Maturin de Patrick
O'Brian d'une part, et celle des aventures de Richard Sharpe de Bernard Cornwell, d'autre part.Des livres qui font mal à la France car ils
traitent de l'épopée napoléonienne, mais à l'envers, en quelque sorte, c'est-à-dire à l'anglaise, avec cette curieuse manie qu'ils ont de nommer des lieux publics par des noms de défaites
(Trafalgar Square, Waterloo Station, etc.), et qui relatent les aventures d'un capitaine de marine anglaise pour le premier et d'un officier de l'armée de Wellignton pour le second. Pour
ces raisons, ces livres ont été traduits tardivement en France.
Des deux séries, celles des aventures de Jack Aubrey est de loin la meilleure. Une adaptation cinématrographique rend compte d'une partie de la série, Master and Commander de Peter Weir (c'est le réalisateur de Witness, de l'excellent Truman show, du cercle des poètes disparus ou encore du tout récent les chemins de la liberté).
Tout commence en 1800, dans un salon de musique à Port-Mahon, siège de la marine anglaise de la méditerannée. Un jeune officier de marine sans commandement, Jack Aubrey se dispute avec un type mal embouché, irlandais de surcroît, Stephen Maturin. Ils vont pourtant être associés dans une aventure sur un bâteau, un petit, au début, l'un comme commandant et l'autre comme chirurgien de bord, passionné de naturalisme, philosophe et espion du roi. On est ainsi transporté sur toutes mes mers du monde, contre tous les énnemis de sa majesté, les français bien entendu et surtout, les américains, quelques espagnols ou sud-américains après 1815, mais aussi dans la campagne anglaise, en Espagne, aux Etats-Unis, aux Indes, sur l'Ile Bourbon, en Australie. Ce qui est surprenant dans ces livres c'est d'une part qu'on ne s(y ennuie pas, malgré les 20 tomes, malgré le vocabulaire technique de la marine à voile, parce que le ton est tout à la fois léger et profond. Léger dans les aventures, les exploits, les escarmouches, les amours (ils se diputent une même femme), les succès ou les échecs. Profond parce que O'Brian est un humaniste et qu'il est contraint de jongler avec cette contradiction très anglaise : comment valider la politique anglaise de l'époque, et donc éliminer l'aspiration à la liberté que l'Empire véhicule malgré Napoléon, et être humaniste à la fois.
Une saga merveilleuse, sans manichéisme, aujourd'hui rassemblée dans la collection "Bouquins" en cinq tomes de qutre livres chacun.
Enfin les aventures de Richard Sharpe de Bernard Cornwell.
Cette fois, nous sommes plongés dans les guerres d'Espagne. Cinq titres sont aujourd'hui disponible en français, l'aigle de Sharpe étant le premier et l'ennemi de Sharpe le cinquième, en attendant les autres, car il y en a beaucoup d'autres.
Les Sharpe's novels ont été publié en anglais dans les années 1980 et la première traduction en français a été réalisée en 2008..., sans doute à la suite du succès, inattendu, des aventures de Jack Aubrey. Cependant le premier livre de la série n'est pas L'aigle de Sharpe (Sharpe's Eagle), mais Sharpe's Rifle, qui raconte comment Richard Sharpe, jeune lieutenant sorti du rang, nommé par celui qui est encore sir Arthur Wellesley, et pas encore Wellignton. Et encore, au terme des aventures de Sharpe, Cornwell a écrit trois livres qui racontent l'ascension de Sharpe comme soldat puis sergent en Indes (Sharpe's Tiger, Sharpe's Triumph et Sharpe's Fortress) puis deux encore sur son retour en Angleterre (Sharpe's trafalgar et Sharpe's Prey) soit un total de 24 tomes, en anglais naturellement (très faciles à lire).
Il est dommage que l'éditeur français ne les ai pas traduits dans l'ordre historique. Par exemple l'Aigle de Sharpe est le troisième de la série de la guerre d'Espagne, mais le huitème de la saga. Le second livre en français, le Trésor de Sharpe (Sharpe's gold) est bien le suivant, mais le troisième, La Compagnie de Sharpe, est le huitième de la série espagnole (le treizième de la sage), et ainsi de suite.
Le style ici est beaucoup plus manichéen : il y a un gentil, Sharpe et son copain, le sergent irlandais Patrick Harper, et d'une façon générale tous les Riflemen traduits par "voltigeurs", qui avaient une place et un uniforme particuliers dans l'armée anglaise. Les Voltigeurs étaient ces soldats placés en amont d'une attaque ou d'une défense chargés de retarder une attaque et de tuer le plus possible d'officiers. Il y ensuite des méchants, qui sont souvent français (pas toujours) ou anglais : Sharpe affronte ses ennemis dans une séquence immuable. Il accumule des gaffes ou des erreurs qui le mettent dans une situation compliquée, dont il triomphe à la fin. Et enfin, il y a toujours une femme, sublime, innaccessible, fuyante, mais qui se retrouve dans son lit, sans aucune difficulté, en raison de son cgarme brutal, la bele et la bête revisité. De ce point de vue, le style est plus adolescent, et parfois lassant. On ne peut pas dire qu'il y ait un suspens démesuré. Il reste que pour les amateurs du genre, historique et napoléonien, la série se présente comme un témoignage unique en son genre (ou bien lire la triste - mais incomparable de qualité - chronique de Patrick Rambaud, La bataille, Il neigeait et L'absent où l'auteur, qui n'aime pas Napoléon ni le napoléonisme, présente trois défaites ou insuccès majeurs, Essling, la Retraite de Russie et Sainte-Hélène) des batailles napoléoniennes, des codes en vigueur, des stratégies, de cette incroyables morgue de l'aristocratie anglaise et finalement, comme pour O'Brian, mais moins bien exprimée ou bien de manière très légère, ce paradoxe, pour les pionniers (anglais) de la théorie de la résistance à la tyrannie, à se (les anglais toujours) représenter comme les champions de la contradiction à l'esprit français, la liberté révolutionnaire et égalitaire, qui ne serait qu'un nouvrau despotisme comparé à la merveilleuse société anglaise (avec quelques éléments d'autocritique ça ou là cependant).