En 2010, le général de gaulle aurait 120 ans. Né en 1890, mort en 1970, à Colombey, en achevant une réussite, comme souvent, pour se détendre après avoir corrigé quelques pages de ses mémoires d'espoir.
La France était veuve ! C'était il y a 40 ans.
Et si... Et si le général n'était pas mort ? Et s'il revenait, une troisième fois ?
C'est la trame du livre, très drôle, très touchant, très juste. Piratant les ondes, le général parle à la télé, précédé du "pom pom pom pom" de la radio de Londres, pour appeler les français qui en ont assez de rassembler autour de lui. Est-ce un canular ? Il semble de mauvais goût, de très mauvais goût même, à nos dirigeants, néogaullistes, en proie aux "réformes" si nécessaires à notre temps.
La semaine suivante, le général reparle, un mouvement puissant se lève dans le pays, à la stupeur du monde entier, et notamment européen qui s'inquiète. Le président dissous l'Assemblée, et le général reparaît en chair et en os, à 120 ans, accompagné d'Yvonne dans sa vieille DS noire, s'installe à L'Elysée (où il exige qu'on lui facture le loyer et le téléphone, bien entendu). Un train de réforme, comme en 44-45, comme en 58-59, accompagne son retour, favorisant la réindustrialisation, les services publics, la sncf et les transports publics en général, le mariage homosexuel et même la consommation du haschich ! Bref, un retour en fanfare, comme les deux précédentes fois, coupant la chique à ceux qui, le croyant à droite, le voit à gauche, tandis qu'il n'est que français, éternellement français. L'Union européenne s'arme, en appelle à une invasion pour rétablir la "démocratie" contre le despote, et, finalement, le général, lassé se retire, comme les deux autres fois.
Reste un court instant d'éternité, dans le long chemin vers la simplification du tout : on se retrouve quelques dizaines d'années après et le héros, l'auteur, lui-même agé, paraît dans un décor orwelien culturellement apocalytique.
Uchronie, Utopie ? Le livre interroge nécessairement. Pourquoi le général reviendrait-il d'abord ? C'est la question sous-jacente dans le livre. En 1940, l'Appel du 18 juin répondait à un abandon, celle d'un pays par un gouvernement de circonstances. En 1958, appelé cette fois, pour faire échec à cette IVè épublique qui ressemblait trop à la IIIème pour être capable de résoudre les problèmes immenses qui se posait à une France étriquée.
Mais en 2010 ? Il faut être un peu gaulliste pour adhérer au discours sous-jacent, parfaitement clair cependant, délivré par ce génie de la littérature qu'est benoît Duteurtre. Pas le droit de fumer, pas le droit de parler, pas le droit de savourer une mayonnaise maison dans un bistrot pour accompagner des oeufs durs, etc. Une chappe de plomb réglementaire s'abat sur notre quotidien.
Comme le chante Saez ("j'accuse") :
"Il parait qu'il faut virer les profs
Et puis les travailleurs sociaux
Les fonctionnaires qui servent à rien
Les infirmières à 1000 euros
Faut qu'ça rapporte aux actionnaires
La santé et les hôpitaux
Va t'faire soigner en Angleterre
Va voir la gueule de leur métro"
Quelque chose a changé en France : est-ce la faute à l'Europe, à la réglementation communautaire (évidemment pour un juriste, c'est parlant, un poil exagéré, mais peu importe) contre laquelle il faut se battre pour conserver du lait crû dans le camembert.
Est-ce une nostalgie ? Est-ce une mélancolie ? Immanquablement, on songe à l'exposition "La France de Raymond Depardon", à la carte et le territoire de Houellebecque, à la formidable "Mélancolie française" d'Eric Zemmour, sans parler de l'extraordinaire Festivus festivus du regretté Philippe Muray (un monument d'insolence et de politiquement incorrect) que Fabrice Luccini fait très heureusement revivre au Théatre de l'Atelier ...
Vers quel monde, quelle citoyenneté ou quelle acitoyenneté, quelle société nous dirigeons-nous? Tout est dans tout et réciproquement : ne pas être dans le vent politique c'est être un réac, un nazi ou un communiste, les réformes sont nécessaires, implacables, Tony Blair, de gauche, Strauss-Kahn, de gauche, le promettent ou l'ont fait. Alors ? Les conducteurs de TGV, les infirmières, les profs, c'est bien connu, sont les grands profiteurs du système. Ne parlons même pas des patrons de PME, trop paternalistes et trop enferrés dans leur notabilité campagnarde, provinciale, pour réussir en Asie, le nouvel Eldorado.
Marchons, Marchons, qu'un sang impur abreuve, nos macdo !
Ce livre, c'est un régal, une insolence, une incorrection, déjà très présentes dans ses précédents livres (L'avant gardiste, Tout doit disparaître par exemple). Un pamphlet non pas antilibéral, çà aussi c'est ridiculement simplificateur et insignifiant comme formule (tout le monde est libéral, d'une manière ou d'une autre) mais comme alternative à un alignement toujours plus fort sur une culture, une philosophie qui, disons-le tout net, n'est pas la nôtre (ni celle des italiens, ni celle des allemands, ni celle des espagnols, d'ailleurs). Depuis 1815 (Congrès de Vienne après cette funeste journée du Mont Saint Jean que les anglais ont eu l'étrange idée d'utiliser par son nom belge pour désigner une gare, laquelle dessert, depuis, Paris!), la France, ses institutions, plongent allègrement vers un alignement sur la culture classique et néoclassique anglaise. Osons le qualificatif ! Soyons français, sans honte, cessons ces anglicismes ridicules au prétexte que le français c'est ringard (un étudiant me demandait il y a quelques jours : "monsieur le professeur, êtes vous familier avec cette notion"? "Familier avec" ! Même plus besoin d'utiliser un mot anglais, c'est désormais une tournure de phrase qui est utilisée). Vive les ringards ! Qu'on ne s'y trompe pas cependant : être ringard et fier de l'être ne signifie pas être facho, pétainisite, raciste ou autre curiosité du genre, c'est tout le contraire (particulièrement bien montré par Zemmour dans mélancolie française). Soyons ringardement français, politiquement incorrects, mais debouts ! La grande bêtise des pétainiste était d'être couchés, couchés devant les allemands, couchés devant les xenophobes, les antisémites de tout poil, comme aujourd'hui il faut être couché devant les marchés financiers, devant les délocalisations, devant les interdits stupides, devant la production chinoise et le cours du yuan. S'il faut être européen pour défendre les couleurs françaises (et italiennes et allemandes et même anglaises), alors soyons européens, mais soyons le vraiment, en respectant le génie de chaque peuple ou nation, sans s'applatir béatement devant les exigences d'une mondilaisation dont nous sommes, aujourd'hui, les complices tout autant que les victimes, en s'abstrayant des exigences de la mode politique et de l'apparence.
Comme disait le général en parlant à un communiste : entre vous et nous il n'y a rien, sinon des cocus et des ratés.