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Un village français : quelle série exceptionnelle!UVF.jpg

 

Je viens de finir la Saison 5 et, avouant un faible pour les (bonnes) séries (dans mon panthéon : Braquo, House of cards, Real Humans, The Walking dead, Engrenages, The Wire, et, le concédant, Fringe), celle-ci s'inscrit totalement hors catégorie. J'en suis encore tout tourneboulé.

 

Le scénario est fondé sur l'histoire de l'Occupation, de la Résistance, de la Collaboration, de la vie quotidienne des français sous l'occupation, entre juin 1940 et (Saison 5) fin 1943 pour l'instant.

 

Chaque saison (Saison 1 et 2 6 épisodes chacun, puis 12 pour les saisons 3 à 5), concerne une année, sauf la saison 2 et la saison 3 qui intéressent l'année 1941. La saison 5 vient de s'achever sur l'année 1943.Soit 48 épisodes en tout de 50 mn de bain dans cette période.

 

Le génie de la série est de concentrer toute cette histoire sur une ville française, une petite sous-préfecture fictive, Vlleneuve, située dans le Jura, c'est-à-dire à la limite de la ligne de démarcation, et près des montagnes pour figurer l'hypothèse modèle du Maquis.

 

Dans cette ville, autour de quelques personnages, sont concentrés tous les acteurs de l'Histoire : les Maréchalistes, les Collaborateurs, les profiteurs de guerre, les communistes, les STO, les résistants anonymes, les policiers et gendarmes, le sous-préfet, le maire désigné puis révoqué, le maire nommé par Vichy, les Juifs, les Allemands bien sûr avec la dichotomie Wermacht et SS, les traitres, les veules, les gens ordinaires, etc.

 

Ce qui est absolument formidable, c'est, grâce au génie des scénaristes et  de la supervision de Jean-Pierre Azéma, l'un des très grands spécialistes de la période, d'être parvenu à concentrer l'ensemble des épisodes de l'époque, en lui donnant une réalité presque documentaire, dans cette petite ville et de ses environs. Que les amateurs de série se rassurent : ce n'est pas un docufiction, mais bien une série, avec toutes les ficelles d'une série, rebondissements, cliffhangers, amours déçues, espoirs, intimité des personnages, mais tellement bien faite qu'on s'y croirait.

 

Il y a donc les Larcher, Daniel le Maire et médecin de la ville, et sa femme, Hortense, qui va connaître diverses amours compliquées extraconjuguales, son frère Marcel, communiste, chef d'atelier chez Schwartz, qui dirige une scierie, qui va connaître hauts et bas avec son commerce avec les allemands et sa femme délicieusement immonde...Une bonne douzaine de personnages récurrents essaiment ainsi et croisent leurs relations : le sous-préfent Servier, modèle de maréchaliste collaborateur (j'espère que l'on pourra organiser son procès dans le cadre du procès ficitif du college de Muller.jpgdroit...), le zélé policier Marchetti, le SS Muller, du SD, (joué par l'acteur qui jouait le sergent dans Inglorious Bastard, mais si souvenez-vous celui qui se fait fracasser la tête à coups de batte de base Ball par le Bear Jew, formidable dans son fanatisme froid), etc. Il est impossible de raconter ici l'intrigue, et ce serait d'ailleurs dommage, tant elle est riche.

 

En revanche deux points méritent d'être soulignés.

 

En premier, le fait que les principaux événements de l'Occupation et sans doute pour les prochaines saisons, de la Libération (Saison 6 logiquement 1944 et Saison 7 1945, même si 1944 mériterait sans doute deux saisons) sont présentés, concentrés dans Villeneuve. Dans la Saison 1 l'arrivée des allemands et le choc pour la population, l'Exode, etc. Dans la Saison 2 et 3 (1941), les premières réactions, tracts et imprimeries clandestines, la stupéfaction de la défaite, de l'occupation, de l'organisation de VIchy, des restrictions, le marché noir, les passages de la Ligne,les otages, les fusillés, mais aussi la Collaboration débutante sous les couleurs lointaines mais apparemment rassurantes du Maréchal, les premiers réseaux de résistance, les fluctuations des communistes. Dans la Saison 4, 1942, les 6 premiers épisodes figurent la Rafle du Vel'd'Hiv, non point la rafle elle-même, faite à Paris, mais l'image de la Rafle, à travers l'arrivée d'un train emplis de Juifs rafflés en gare de Villeneuve, et parqués, sous le conseil des autorités française dans un lieu neutre, comme pouvait l'être le Vel d'Hiv, ici l'école, puis les rafles à Villeneuve, le caractère arbitraire de celles-ci l'ignoble comptabilité, les marchandages, les dénonciations, les compromissions, le rôle de la police et des gendarmes, etc. L'ensemble, à l'échelle d'une petite ville comme Villeneuve donne une idée saisissante de ce que put être ce tragique événement justement parce que ce n'est pas la rafle du Vel d'Hiv. Puis la Saison 5, le STO, les réfractaires et la constitution d'un Maquis, jusqu'au défilé du 11 novembre 1943 à UVF1111.jpgVIlleneuve qui rejour celui qui avait été organisé à Oyonax, les fusillés, etc.

 

L'ensemble est intégralement joué avec les mêmes personnages : Daniel Larcher est ainsi le maire, maréchaliste comme tout le monde, mais qui sauve des Juifs au prix de sa vie, torturé par les allemands, suspecté par le maquis, etc., Raymond Schwartz a une liaison avec Marie qui organise des passages de la ligne pour le marché noir de son mari, qui trahit devient la chef des MUR, alors que lui-même, Schwartz, commerce avec les allemands, rachète une entreprise "aryanisée", trahit puis prette des camions pour la résistance, etc.

 

Le deuxième point est le fait que la série ne pontre pas des personnages abstraits et caricaturaux : le Résistant, droit dans ses bottes, l'Allemand ou le Nazi, le gentil officer de la Wermacht et le méchant SS, le Collabo froid, le Marchaliste naïf, etc. Tous les personnages son ambigus, ils aiment, ont une famille, des enfants, une femme, des intérêts, qui bien entendu donnent un sens à leur action, quelle qu'elle soit : des résistants trahissent, des bonnes gens se soumettent, des salauds changent ou ont un élan du coeur ou du portefeuille, etc.

 

Or c'est précisément cette fidélité aux personnages, servis par des acteurs vraiment ecellents (pas une seule fausse note) qui fait tout l'intérêt de la série : les personnages, aussi aimables et attachants soient-ils, meurrent, sous les coup de l'Histoire qui avance. La saison 4, de ce point de vue, est épouvantable, on craint le pire pour la saison 6, alors que la saison 5 s'achève avec l'encerclement du Maquis de Villeneuve par les GMR puis les SS, préfigurant le sort du maquis des Glières ou du Vercors, très vraissemblablement.Une village français, de ce point de vue, c'est le contraire de la Liste de Schindler, aussi bien soit ce film : les gentils disparaissent et Jean-Pierre Azéma ou les scénaristes ne font aucune concession à l'Histoire au profit de la poésie, la romance ou le théâtral.

 

Le dernier point est le fait qu'on retrouve dans cette série tout ce qu'on peut trouver dans les ouvrages traitant de cette époque, que ce soit les mémoires de résistants, les ouvrages de decription historique ou encore l'excellente Grande histoire des français sous l'occupation d'Henri Amouroux) (12 tomes quand même, 6 dans la collection "Bouquins", il m'a fallu presque deux ans pour en venir à bout, avec des à-coups et des distractions littéraires intermédiaires). On y retrouve toutes les nuances, les ambiguités, les embarras, les hésitations, les héroïsmes discrets ou au contraire fulgurants, les médiocrités de ce que dû être cette période, longue et terrifiante dans laquelle il fallait, malgré tout, vivre.

 

Une série exceptionnelle, pour tous les amateurs de séries et tous ceux que cette pérode charnière passionne, parce qu'elle était véritablement hors norme, à tous points de vue.

 

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Tag(s) : #sagas historiques
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