Faut-il instituer un droit à la réparation en droit de la consommation?
Question, essentielle, pour les consommateurs, soulevée par Bruno Dondero : "L'acheteur d'un bien a-t-il un droit à le réparer sans blocages (uniquement par revendeurs agréés, etc)?" à partir d'un article de presse (Le monde) :
Effectivement, la question pose difficultés, y compris en droit français.
rappelons la situation juridique, qui repose sur les articles L. 217-15 et suivants C. consom. sur la "garantie commerciale" :
Article L. 217-15
La garantie commerciale s'entend de tout engagement contractuel d'un professionnel à l'égard du consommateur en vue du remboursement du prix d'achat, du remplacement ou de la réparation du bien ou de la prestation de tout autre service en relation avec le bien, en sus de ses obligations légales visant à garantir la conformité du bien.
La garantie commerciale fait l'objet d'un contrat écrit, dont un exemplaire est remis à l'acheteur.
Le contrat précise le contenu de la garantie, les modalités de sa mise en œuvre, son prix, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et l'adresse du garant.
En outre, il mentionne de façon claire et précise que, indépendamment de la garantie commerciale, le vendeur reste tenu de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-12 et de celle relative aux défauts de la chose vendue, dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil.
Les dispositions des articles L. 217-4, L. 217-5, L. 217-12 et L. 217-16 ainsi que l'article 1641 et le premier alinéa de l'article 1648 du code civil sont intégralement reproduites dans le contrat.
En cas de non-respect de ces dispositions, la garantie demeure valable. L'acheteur est en droit de s'en prévaloir.
Cette période court à compter de la demande d'intervention de l'acheteur ou de la mise à disposition pour réparation du bien en cause, si cette mise à disposition est postérieure à la demande d'intervention.
La difficulté tient au fait que le vendeur peut proposer une telle garantie "commerciale" (le terme choisi est curieux, on les évoque plus ordinairement comme des mécanismes de garantie conventionnelle), qui se présente tout à la fois comme une clause favorable au consommateur et comme une clause défavorable, dans les limites toutefois des articles L. 217-4 (principe de la garantie de conformité), L. 217-5 (conditions de la conformité), L. 217-12 (prescription de deux ans), L. 217-16 (report éventuelle de la durée), 1641 et 1648 (principes du droit civil de la garantie).
Le caractère défavorable de la clause peut reposer, notamment, sur le fait que celle-ci est conditionnée au fait que la réparation ou le remplacement est effectuée par le vendeur ou un réparateur agréé, ce qui peut apparaître comme une forme de garantie donnée au consommateur, et comme une technique, pour le vendeur, de maîtriser son réseau. Ces clauses, d'ailleurs, sont insérées dans les contrats conclus entre un distributeur et un consommateur, sur la base d'une clause imposée dans le rapport contractuel établi entre le fournisseur et le distributeur, notamment dans les "garanties internationales". Le consommateur est assuré que, quel que soit son vendeur (donc celui qui est son contractant), il pourra obtenir le bénéfice de la garantie en quelque endroit qu'il choisira (dons avec un non contractant, ce qui, suppose, en amont des refacturations au fournisseur, voire une centralisation de la réparation, sans doute une provision et une répartition de ce coût, etc.). Dans le même temps, c'est une technique très efficace de contrôle d'un réseau de distribution, permettant, également, de repérer les réparateurs non agréés, y compris pour tenter d'engager des actions en concurrence déloyale ou en parasitisme.
Enfin, se pose une difficulté dans le cas où le consommateur répare lui-même une chose, ou la fait réparer par un réparateur non agréé et pour une réparation qui se révèle bégnine. On sait d'ailleurs que pour l'éviter les fabricants usent de ruses, comme l'utilisation de types de vis rares, scellent les bloc électroniques, etc., ou bien des conditions d'attribution de la garantie à ce que celle-ci soit effectuée dans et par les ateliers agréés par le fournisseur.
Or, et depuis quelques années, pullulent des ateliers de réparation à peu près sur tout, avec, dans le collimateur, outre le besoin économique de la réparation, la question de l"'obsolescence programmée" de certains produits.
La question se pose alors : faut-il imposer le maintien de la garantie conventionnelle en cas de réparation "non autorisée" et lesquelles ? On saisit la contradiction, cela aboutirait à faire disparaître les garanties conventionnelles ou à les rendre payantes. On peut objecter que la garantie conventionnelle, qui prolonge la garantie légale, est, par nature, "payante" quand bien même le prix ne serait pas systématiquement visible (il l'est parfois avec les formules d'"extensions de garantie"), et qu'il s'agit d'un élément marketing dont on peut douter qu'il disparaisse.
On pourrait songer à dissocier, dans ces clauses, les aspects favorables des aspects défavorables, pour envisager d'écarter ces derniers au titre des "clauses abusives", soit de l'article L. 212-1 C. consom., soit de l'article 1171 C. civ.
C'est un point qui me rappelle une lecture "Eloge du carburateur", de Mathew B. Crawford.
Le livre est sous-titré "essai sur le sens et la valeur du travail" et raconte son histoire, celle d'un universitaire de Chicago qui devient responsables d'un Think-tank et s'interroge sur son rôle pour se consacrer à sa passion, la réparation des des motocyclettes, notamment celles d'avant l'utra-industrialisation de leur fabrication. L'ensemble est truffé de réflexions sur le sens du travail, sa valeur, notamment dans cette logique de la réparation, sans tomber toutefois dans une contemplation béate pour la "valeur" voire la supériorité du travail manuel, mais dans une distance, sans doute "bobo", à l'endroit des mécaniques féroces de nos sociétés industrielles. Il serrait sans doute favorable à l'idée d'un "droit à la réparation".