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La vente, quel contrat !

Sans doute, après l’échange et le don, le plus vieux des contrats, un contrat utilisé quotidiennement des millions de fois, d’une baguette de pain à un Rafale (F3), pris bien souvent pour modèle à la fois pour le droit commun des contrats (alors même que la vente est un contrat exceptionnel, à effet rapide sinon instantané, et translatif de propriété) et le droit des contrats spéciaux (de certains contrats d’entreprise aux contrats de distribution), la multitude régimes concurrents du droit de la vente (droit commun de la vente, vente de consommation, vente commerciale, vente internationale de marchandises, cession de droit incorporels divers, fonds de commerce, de contrats, de créance, de dette, de droits sociaux, de droits de PI, etc.) et la diversité et la complexité de ses effets concurrent : inexécution de l’obligation de renseignement, de délivrance, garantie d’éviction, des vices cachés, défaut de conformité, garantie de conformité, garantie de passif et/ou d’actif, responsabilité du fait de produits défectueux, action directe, etc., les plaideurs ne devraient pas manquer d’occasion de fonder leurs demandes.

Pourtant l’histoire récente du droit de la vente, combinée à l’apparition de la massification des ventes et, en corollaire, de celle de leurs mauvaises exécutions et a l’obligation de bien fonder l’acte introductif d’instance, montre que le dédale de ces actions qui tantôt s’ajoutent ou se combinent tantôt se concurrencent et s’excluent, est moins aisé à dessiner qu’il ne semble.

Ainsi de cet arrêt du 10 avril 2019 où le demandeur a dans doute pensé que le régime, de droit commun de la vente prévalait et qu’il pouvait en toutes circonstance demander la “résolution” de la vente, quel que soit le type de vente considéré.

Or, le régime de la “garantie de conformité” est un régime spécial qui déroge à la garantie légale du droit commun de la vente (C. civ. Art. 1641 s.) quand bien même il demeure applicable, de manière subsidiaire (C. conso., art. L. 217-13).

Dès lors les articles du Code de la consommation prévalent, dans une logique favorable au consommateur : réparation ou remplacement de la chose et, si c’est impossible, restitution du prix en totalité ou en partie (C. Conso., art. L. 217-9 et 10, anciens art. L. 210-9 et10), sous la forme d’une résolution de la vente où, sans doute, de sa réfaction. Tandis que le droit commun propose une action en diminution du prix, dite estimatoire, ou en destruction de la vente dite rédhibitoire (C. civ. Art. 1644).

La cascade des subsidiaires n’est cependant pas disponible : l’ordre retenu est bien la solution du remplacement ou de la réparation, si ce n’est possible, résolution partielle ou totale et, si ni l’une ni l’autre des solutions n’est possible, estimation ou rédhibition.

C’est donc à tord que le demandeur avait ici retenu une action en résolution, alors même que le vendeur avait proposé la réparation de la chose : les règles du droit de la consommation protègent le consommateur mais ne lui offrent pas le choix, anarchique, des armes lui permettant, éventuellement, de profiter de ces règles.

Cass. Civ. 1ere 10 avril 2019, N°18-13747
LA COUR (…€
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2018), que, le 16 janvier 2013, Mme I... a acquis de la société Auto plus (le vendeur) un véhicule d’occasion au prix de 5 990 euros, bénéficiant d’une “garantie 6 mois par Opteven” ; que, le véhicule ayant présenté divers dysfonctionnements, M. et Mme I... (les acheteurs) ont fait établir un rapport par un technicien commis par leur assureur, puis ont assigné le vendeur en résolution de la vente ; que le vendeur a appelé en garantie son assureur, la société MMA IARD ;
Attendu que les acheteurs font grief à l’arrêt de rejeter l’intégralité de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense ; que, dans leurs écritures d’appel, les acheteurs faisaient valoir qu’ « il est incontestable que la société venderesse n’a pas rempli l’obligation légale de conformité que lui imposent les articles L. 211-4 et suivants du code de la consommation » ; qu’en affirmant, dès lors, que les acheteurs « ne sollicitent pas le bénéfice » de la garantie de conformité, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé ce faisant l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu’aux termes de l’article L. 211-10 du code de la consommation, applicable en l’espèce, « si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l’acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix » ; qu’en considérant que, dans la mesure où ils sollicitaient la résolution de la vente, les acheteurs ne pouvaient se prévaloir de la garantie de conformité, la cour d’appel a violé l’article L. 211-10 du code de la consommation ;
3°/ que, dans leurs écritures d’appel, les acheteurs faisaient valoir que le vendeur avait lui-même reconnu le bien-fondé de leurs prétentions, puisque, par courrier du 18 juin 2013, il avait proposé de prendre à sa charge les frais de réparation de la boîte de vitesse ; qu’en écartant ce moyen au motif que «la société Auto plus a, dans un courrier du 18 juin 2013, certes accepté de procéder à ses frais à la réparation de la boîte de vitesse, mais cette offre ne peut pas constituer l’aveu qu’y voient les intimés, dès lors qu’elle peut tout aussi bien constituer l’exécution par le garage des obligations nées de la garantie contractuelle figurant au contrat de vente ou de la garantie de conformité, garanties dont M. et Mme I... ne sollicitent pas le bénéfice », cependant que, dès lors que le vendeur admettait sa responsabilité, à quelque titre que ce soit, elle devait rechercher si cet aveu ne produisait pas également un effet dans le cadre de la garantie des vices cachés invoquée par les acquéreurs, la cour d’appel a dans tous les cas privé sa décision de base légale au regard de l’article 1641 du code civil ;
Mais attendu, d’abord, qu’après avoir énoncé que les articles L. 211-9 et L. 211-10 du code de la consommation prévoient, pour remédier au défaut de conformité, la réparation ou le remplacement du bien, et, seulement si ces remèdes sont impossibles, la résolution de la vente, l’arrêt constate que les acheteurs ont refusé que le vendeur répare le véhicule à ses frais et se bornent à solliciter la résolution de la vente ; qu’ensuite, il relève, à bon droit, que l’offre du vendeur de prendre en charge la réparation de la boîte de vitesse ne peut constituer l’aveu d’un vice caché, dès lors qu’elle peut correspondre à l’exécution de la garantie contractuelle figurant au contrat de vente ou à la garantie de conformité, garanties dont les acheteurs ne sollicitent pas le bénéfice ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a pas modifié les termes du litige et a souverainement estimé que la preuve d’ un vice caché antérieur à la vente n’était pas rapportée, a pu déduire que les demandes des acheteurs devaient être rejetées ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme I... aux dépens ;

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