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droit d'inventaire

Yes we can ? à propos du mariage des homosexuels

 

 

mis à jour le 15 janvier 2013

 

Après la "manifpourtous", évidemment réussie, il semble que le débat soit exclu, du moins dans la grande presse et que l'on se dirige vers la discussion à l'Assemblée, le 27 janvier 2013.

Un point est évident : un référendum est possible : l'article 11 de la Constitution prévoit que le président de la république "peut" (mais peut peu, visiblement) soumettre à référendum tout projet portant "sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation". Social, sociétal, c'est tout un et, par ailleurs, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour apprécier la constitutionnalité d'une loi référendaire. Le principe en a été établi par une décision du 6 novembre 1962  relative à la loi référendaire modifiant le mode d'élection du Président de la République, et réaffirmé par la décision du 23 septembre 1992, relative à la loi autorisant la ratification du Traité de Maastricht adoptée par référendum : "les lois que la Constitution a entendu soumettre au contrôle de constitutionnalité "sont uniquement les lois votées par le Parlement et non celles qui, adoptées par le peuple français à la suite d'un référendum, constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". Autre est la question de la validité du décret qui ordonnerait ce référendum, qui "serait" inconstitutionnel : personne n'en sait rien tant que le Conseil n'est pas saisi (cf. infra), et il serait surprenant qu'il le soit, d'une part en raison de l'écho que ce référendum aurait alors et surtout du fait de la réforme constitutionnelle de 2008 qui n'attend plus qu'unr loi organique pour permettre l'élargissement de tels référendums : "l'esprit constitutionnel" est donc déjà présent pour valider le principe d'un tel référendum (toute autre est la question politique, du courage politique pour le faire ou point, etc.).  

Il reste que le débat s'articule, pour beaucoup, autour de petits doigts juridiques derrière lesquels certains, pro ou contra, se cachent, comme pour mieux masquer l'idée de se prononcer sur le fond du projet, pour ou contre le Mariage dit pour tous?

Le « mariage pour tous » masque, de manière très maladroite (qui sont donc ces « tous » ?) celle du mariage des homosexuels, en réponse tout à la fois à des promesses de campagne, à un certain nombre de revendications et à l’interprétation retenue tant par la cour de cassation en 2007 que le Conseil constitutionnel en 2011.

Rappelons que le débat, juridique, tourne autour de l’interprétation de la formule de l’article 144 du Code civil qui dispose que « L'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ». Cette formule ne permet de considérer de manière radicale et indiscutable qu’elle signifie que le mariage ne peut être « contracté » que par un homme et une femme, ni d’ailleurs qu’il pourrait l’être par deux hommes ou deux femmes.

Problème classique, ordinaire, d’interprétation, tranché par la première chambre civile de la Cour de cassation le 13 mars 2007 (n°05-16627) : « selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ; [que] ce principe n'est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui n'a pas en France de force obligatoire ». Cette interprétation était en outre validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 janvier 2011 (2011-92 QPC) qui considère que l’article 144 du code civil est constitutionnel. 

Permettons-nous au passage d’égratigner le Conseil constitutionnel. Le problème n’était pas de savoir si l’article 144 du Code civil est ou non conforme à la constitution ; il n’y avait aucun doute à se sujet ; en revanche, la question qui se posait était celle de savoir si 144 du Code civil, en tant qu’il s’interprète comme l’a fait la Cour de cassation était constitutionnelle ; et à cette question implicitement posée, la réponse est positive. 

Le projet est désormais présenté et sera débattu début janvier à l’Assemblée. 

Au-delà de la question de savoir si un débat, sérieux ou non, est engagé, il reste que les juristes n’ont finalement pas véritablement débattu cette question, sauf pour se prononcer, à travers divers arguments, pour ou contre le projet, mais sans toujours utiliser des arguments juridiques pour une question qui relève, évidement, du droit et de la science du droit. 

On peut tenter de démêler les fils d’une discussion entamée par un article publié, sous un pseudonyme, celui de « Lucie Candide » dans la Gazette du Palais du 4 octobre 2012, rejoint par Pierre Delvolvé dans un article du Monde ou Marie-Anne Frison Roche dans son blog. Il apparaît alors que les juristes ont ou auraient des arguments à faire valoir contre l’adoption du mariage des homosexuels ou contre son adoption par voie législative, sur le fondement de l’existence de principes constitutionnels ou de valeurs constitutionnels qui s’y opposeraient.

 

1. En l’état du droit positif, aucun obstacle juridique ne se présente contre ou pour le projet de loi. On a beau chercher, aucun argument juridique existant ne milite en faveur ni contre le mariage des homosexuels. 

Pour le mariage des homosexuels, ni le principe d’égalité ni le principe d’un droit à une vie familiale ne peut inciter de manière impérieuse l’adoption de cette loi. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 28 janvier 2011 et n’a formulé aucune réserve d’interprétation d’aucune sorte sur le fondement d’un principe quelconque. Pareillement, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré le 24 juin 2010, en constatant l'absence de consensus entre les différents Etats européens, et en soulignant les connotations sociales et culturelles qui sous tendent tout débat autour du mariage,  que l’interdiction du mariage entre deux personnes du même sexe un Etat ne viole aucun droit reconnu par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. 

Rien donc, dans un texte supérieur à la loi, n’impose cette adoption, à la manière du débat sur la garde à vue par exemple. 

Rien non plus ne s’oppose à cette adoption. On ne voit pas quel texte de la Constitution, de son préambule, de la Déclaration des droits de l’homme, de la CEDH, tels qu’aujourd'hui interprétés par le Conseil constitutionnel ou la Cour EDH pourrait venir faire obstacle à cette loi. 

Par conséquent, l’adoption de la loi est possible. A bien des égards, d’ailleurs, on pourrait se demander si la question du mariage des homosexuels n’est pas déjà présente, de manière discrète dans le paysage juridique français à travers les subtiles méandres du droit international prové (H. Fulchiron, « Mariage et partenariats homosexuels en droit international privé français », RIDC, 2006-2, p. 409, sp., p.  423 sq.). On peut songer par exemple à la situation de deux homosexuels régulièrement mariés à l’étranger, en Belgique par exemple. Ce mariage est valable en Belgique et les règles du droit français justifie, par le principe de réciprocité, la reconnaissance des lois belges. Imaginons maintenant que ce couple s’installe en France et décide de divorcer tout en restant en France. Le juge compétent pour traiter ce divorce est, aux termes du Règlement Bruxelles II, le juge français, qui devrait donc prononcer ce divorce sans pouvoir, a priori, se réfugier derrière l’ordre public français ou l’ordre public international français. Autre est la question du mariage de deux homosexuels français, en France, ou le divorce de deux français mariés à l’étranger (ce mariage ne serait pas reconnu en France) ou du mariage en France de deux étrangers (quand bien même ceux-ci pourraient se marier selon leur loi nationale), situations dans lesquelles l’ordre public français ou la conception française de l’ordre public international seraient opposés à la production, en France, d’effets juridiques. Deux français mariés en Belgique seraient ainsi valablement mariés selon la loi belge, mais point au regard de la loi française. Ce serait le même problème pour la répudiation ou pour un mariage polygamique. En revanche, dans notre exemple, celui de deux homosexuels étrangers mariés à l’étranger, vivant en France et demandant le divorce en France, s’appliquerait alors la règle dite de l’effet atténué de l’ordre public international s’agissant du moins des effets qui heurtent le moins l’ordre public français (Cass. civ. 1ère, 17 févr. 1953, Rivière, Grands arrêts DIP n°26), pour valider le prononcé de ce mariage, même si la question ne s’est pas, semble-t-il, posée.

 

2. Toute autre est la perspective de la loi à faire, qui apparaît comme particulièrement « clivante » pour reprendre cette expression qu’on associait pourtant plus volontairement aux propositions de Nicolas Sarkozy.   

Puisque rien ne s’y oppose ou ne l’impose de manière dirimante, c’est donc une question politique, une question de valeur, à laquelle est étranger le droit positif. 

D’ailleurs, les arguments proposés relèvent tous d’une logique de prescription qui peut être extra-juridique ou juridique. De manière extra-juridique, pour ceux qui lui sont favorables, en vrac, il s’agirait d’une demande de la société, il s’agirait d’une aspiration à l’égalité, d’une adaptation du droit français, présenté comme rétrograde, face aux évolutions législatives étrangères, etc. Les opposants font valoir en revanche des arguments religieux, historiques ou anthropologiques. 

Les arguments juridiques nous intéressent davantage ici d’autant qu’ils viennent d’être lancés par l’article de Lucie Candide et par Pierre Delvové, qui, fait suffisamment rare pur être signalé, sont relayés par la presse généraliste (qui renvoie d'ailleurs à plusieurs blogs de professeurs de droit). 

En substance, une loi serait incapable de se prononcer sur ce point en raison d’un principe supérieur, et notamment un Principe Fondamental Reconnu par les Loi de la République, l’un de ces PFRLR qui émergent depuis l’élargissement du bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel en 1971, de sorte qu'il faudrait une modification de la constitution et donc une majorité qualifiée aujourd'hui impossible à rassembler. 

Ainsi, serait un tel PFRLR le principe de l’hétérosexualité du mariage, en raison du contenu de l’article 75 du Code civil, texte présent depuis l’origine du Code civil en 1804, qui impose une « déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme ».  Au-delà des autres arguments, qui relèvent de l’ordre de la psychologie ou de la sociologie, cette question est essentielle. En effet, jamais le Conseil constitutionnel n’a identifié un tel PFRLR, lesquels sont d’ailleurs extrêmement rares, érigeant la condition d’hétérosexualité du mariage au rang de principe de valeur constitutionnelle. 

L'analyse a été confortée par l'audition, au Sénat de notre collègue Anne-Marie Le Pourhiet, qui enfonce le clou. Le projet "nécessite manifestement une révision constitutionnelle" en raison de la permanence de la référence à un homme et une femme depuis 1792, dans le Code civil, dans la loi de 1884, celle de 1907 voire dans certaines dispositions de caractère constitutionnel de sorte que le projet serait contraire au droit à la protection de la santé et la sécurité matérielle et notamment au "droit de tout enfant à une vie normale"  et la "sécurité sociétale" voire à la charte constitutionnelle de l'environnement ajoutée en 2005 et notamment de son article 1er "chacun à le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé" car "le principe de précaution reconnu par ladite Charte trouve particulièrement à s’appliquer en matière d’expériences familiales qui n’ont été déclarées inoffensives que par des études partielles et partiales diligentées par des militants et menées par eux-mêmes et sur eux-mêmes. On rappellera sur ce point que le préambule de la Charte de l’ONU du 20 novembre 1989 sur les droits de l’enfant appuie sur le fait que la famille est « l’unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier les enfants » et qu’il insiste aussi sur « l’importance des traditions et des valeurs culturelles de chaque peuple dans la protection et le développement harmonieux de l’enfant" (p.7). 

Il faudrait pour qu’un tel principe émerge, que la loi soit adoptée, qu’un groupe de 60 parlementaires saisisse le Conseil constitutionnel (ce qui sera vraisemblablement fait) et que le Conseil reconnaisse effectivement ce principe. Rien ne permet de le prédire et c’est une habitude assez fréquente que de prétendre prédire le droit par anticipation. Prédire, à la manière d’un aruspice, ou pré-dire, par une forme d’injonction doctrinale formulée à l’adresse du juge. Le conseil pourrait reconnaître ce principe, quoique bien des voix estiment que c’est bien improbable, ou pourrait ne pas le reconnaître : ce principe n’existe pas aujourd’hui. 

L'ensemble des arguments ici présentés et notamment ceux de Mme Le Pourhiet, aussi construits et éventuellement convainquants soient-ils, ne font qu'envisager une proposition de principe fondamental, une proposition de norme, comme n'importe quelle inteprétation scientifique. 

On voit ici l’opposition, très classique, entre les partisans d’une interprétation conçue comme un acte de connaissance et ceux qui considèrent que c’est un acte de volonté. Lucie Candide et Pierre Delvolvé s’inscrivent, comme beaucoup d’ailleurs, très nettement dans le camp de ceux pour lesquels l’activité d’interprétation est un acte de connaissance : il est possible de connaître une interprétation face à une norme obscure, incomplète ou comme ici absente, par les propositions doctrinales formulées (mais il en existe de contraires) ou en recherchant l’intention du législateur. M. Delvolvé, ainsi, évoque l’un des projets de Code civil, celui de 1793 qui indiquait que « une convention par laquelle l'homme et la femme s'engagent, sous l'autorité de la loi, à vivre ensemble, à nourrir et élever les enfants qui peuvent naître de leur union » qui permettrait d’indiquer le sens de la norme, à la manière exégétique. 

En outre pour qu’un tel PFRLR soit reconnu, encore faudrait-il qu’il résulte d’une loi de la République, mais laquelle ? Le Code civil est l’œuvre de Bonaparte et est entré en vigueur avant la fin officielle de la République, mais les PFRLR sont traditionnellement issus des lois de la IIIème république. Peut-être la loi de 1884 réformant le divorce ? Pourquoi pas. 

Les arguments sont astucieux, et même habiles, mais ils demeurent dans le domaine de l'opinion doctrinale, une spéculation voire une prescription, et en aucun cas une norme existante.   

Par conséquent, c’est bien au niveau des valeurs que la question de l’opposition entre « pro » et « anti » mariage des homosexuels se pose : à chacun de se positionner de ce point de vue, sur le fond, en conscience.  

A chacun de développer l'ensemble des arguments, sur un texte à faire, en jusnaturaliste (dans les deux sens d'ailleurs) ce qui suppose pour prescrire, de décrire d'abord : pour être formuler une proposition jusnaturaliste, il convient d'abord de réaliser une description positiviste.

On signalera, d’ailleurs, le travail qui avait été fait par les étudiants du Master II Droit privé économique de Montpellier, sur un « projet de loi sur la famille homosexuelle », à la fois pour qu’ils fassent l’expérimentation de la difficulté du travail législatif, qui ne se limitait pas, ici, à la simple modification de l’article 144 du Code civil, mais aussi pour vérifier, que l’instauration d’une telle disposition, suppose, nécessairement cette fois, que les dispositions relatives à la famille (adoption, autorité parentale, succession, fiscalité, etc.) soit abordées, sauf à heurter, de front, le principe, réel, de non discrimination tel que posé dans la CEDH par exemple.

Gageons que si le projet est adopté, il fera évidement l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel qui le validera vraisemblablement, mais on verra alors la portée des arguments de chacun, mais que, alors, les éventuelles situations de discriminations s'ouvriront au grand jour : le mariage, c'est l'ouverture à l'adoption, aux PMA, etc., pour tous les couples mariés, dans les mêms conditions.

C'est, là, sans doute, que le débat a été ouvert : il est évident que la réception du PACS devant le tribunal d'instance est inulitement différencianet, que la situation fiscale des couples pacsés mériterait un alignement, à définir, sur celui du conjoint survivant, etc. Mais le mariage? Quelle drôle d'idée ! Autant légiférer sur la couleur du ciel : il est jaune, disent les uns, majoritaires, et rien de s'oppose, juridiquement, à ce qu'une loi qui indique que le ciel est jaune. 

Voilà quarante ans que la gauche évangélique explique, à tous, et tout le temps, que le mariage c'est ringard, voire réactionnaire, que l'union libre, ou mieux, depuis 1999, le PACS c'est "in", moderne" et voilà les mêmes qui se font les chantres du mariage, et pas n'importe lequel, le mariage justifié par l'amour... A quand le devoir de secours, d'assistance et d'amour dans l'article 212 du Code civil, voire la conditions d'amour comme condition de validité du mariage (et preuves - mais lesquelles?- à l'appui) ?

 


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