Beigbeder or not beigbeder ? There is no question.
Il est de bon ton soit d’aduler Frédéric Beigbeder soit au contraire de la vouer, sans procès, aux gémonies.
Pour ma part, je fais partie du camp des lecteurs, pour ne pas dire des
admirateurs. Bien sûr le personnage peut paraître agaçant, bien sûr il y a une façon, dans ses livres de se mettre en scène, très germanopratine, très gosse de riche, fils de Madame de
Chasteigner traductrice des romans de Barbara Cartland, et de son homme d’affaires (de femmes) de père. Mais bon, il a l’honnêteté de le reconnaître, soit comme Marc Marronnier, ou Octave Parengo, alter ego dans certains de ses livres, soit comme Beigbeder, comme dans son dernier livre Un roman français. Ce livre est touchant, prix Renaudot tout de même, il révèle les secrets, les fragilités qu’on aurait pu deviner sans qu’il le dise, ceux
d’un fils cadet écrasé par son frère, ceux d’un fils mal aimé par son père, trop aimé par sa mère.
Il y a du Brett Easton Ellis et du Salinger dans Beigbeder, et il ne cache rien, ni de l’admiration qu'il leur porte ni de l’inspiration qu’ils lui ont offert.
Alors, bien sût, Beigbeder est un gosse de riche,
bien sûr c’est un dandy, bien sûr il a fait Sciences Po, bien sûr il est le fondateur du Caca’s Club, bien sûr des petits tracas avec la justice pour avoir sniffé des lignes de coke sur le capot
d’une voiture devant les policiers font plus rire que pleurer, bien sûr, sa description du dépôt à paris où il passa quelques heures de garde à vue semblent une découverte tardive d’une réalité
qui lui avait échappée jusqu’alors, bien sûr son désir de faire la campagne de Robert Hue à la présidentielle, en alter-Séguéla peut faire hurler les bourgeois, bien sûr ses envolées anti-Jean
Claude Marin et, derrière ce dernier, anti-Sarkosy, font grincer, etc.
Mais en même temps tout est réel, la garde à vue, le génie d’un Roman français dans sa construction qui suit cette garde à vue qui lui permet de remonter le temps comme s’il retrouvait peu à peu les
souvenirs perdus et les images de son enfance, le dandy et le désinvolte, tellement français, à l’inverse des anglais qui sont dandys et excentriques (désinvolte, qui se place hors de la volte, hors du
jeu, excentrique, qui sort du centre), la provocation de la campagne de Robert Hue en 2002 était ce qu’elle était, une provocation, ses talents de publicitaire, décrits dans 99 F
(devenus par une inflation subite, 99 € au cinéma) sont indéniables, puis dans la suite, Au secours Pardon, où
Octave Parengo, après avoir été le publicitaire meurtrier de Madone (Hum, Madone !) devient agent de mannequins.
Il y a aussi ses romans de jeunesse, Nouvelles d’un jeune homme dérangé, totalement snob, extrêmement dérangeant et écrit pour cette raison, Vacances dans le coma, désopilante revue mondaine à partir des affres éthyliques et nihilistes de Marc Marronnier dans le nouveau nigt-club "les Chiottes", Nouvelles sous ecstasy et l’amour dure trois ans, très drôle et très touchant puisque c’est de son premier mariage dont il s’agit, ses méandres irrationnels d’adolescent attardé.
Il y a enfin Dernier inventaire avant liquidation, revue des chefs d’œuvres de littérature et qui
prouveront à ceux qui en doutaient qu’en plus d’avoir du talent, il a de la culture, qu'il délivre avec un science touchante. Et drôle.
Enfin, et surtout, il y a ces phrases géniales qui surgissent à chaque coin de
page.
"A New York les taxis sont jaunes, à Londres ils sont noirs et à Paris ils sont cons".
Ce qui serait bien, à présent, pour l'évolution de l'histoire du cinéma, ce serait de tourner un film porno où les acteurs feraient l'amour en se disant «je t'aime» au lieu de «tu la sens, hein, chiennasse». Il paraît que cela arrive dans la vie ».
« En cette époque où la jolie femme était devenue un trophée, certaines soirées ressemblaient à des concours de teckels: c'était à celui qui arborerait la plus fraîche bestiole à son bras ».
« L'amour commence dans l'eau de rose et finit en eau de boudin ».
« L'homme est un animal insatisfait qui hésite entre plusieurs frustrations ».
« La célébrité c'est bien; la postérité c'est mieux ».
« A cette époque on priait pour les éthiopiens. Moi je priais surtout pour ne pas leur ressembler ».
Grinçant et émouvant, drôle et sarcastique, classique et désinvolte, génial et fragile. Beigbeder, donc.