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Les honoraires des arbitres, voilà une question sensible de l'arbitrage, interne ou international. Elle touche à la question particulière du coût de l'arbitrage, qui s'est souvent présentée de manière partielle, voire partiale, surtout dans la logique de comparaison, française, entre le coût de l'accès au juge étatique et celui de l'accès au juge arbitral.

Au-delà, les arbitres, quelle que soit la nature de l'arbitrage, sont souvent confrontés à l'impécuniosité, réelle ou feinte, de l'un des parties à l'arbitrage, le défendeur et parfois le demandeur.

L'une des solutions envisagées en pratique consiste à considérer que lorsque l'arbitrage est commercial, l'obligation de payer les honoraires de l'arbitre est solidaire par chacune des parties, de sorte que les arbitres peuvent demander à l'un ou à l'autre le paiement de l'intégralité des honoraires et traiter la question dans la sentence.

Observons toutefois que tous les arbitrages ne sont pas nécessairement commerciaux, depuis 2001, qui a élargi la validité des clauses compromissoires à tous les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle, et que la loi du 18 novembre 2016 "J21" substitue à la question de validité celle de l'opposabilité de la clause, quelle que soit la nature du contrat qui en est le support, y compris civile. 

L'arrêt du 1er février 2017, reproduit ci-dessous tranche la question dans un arbitrage international : "Mais attendu qu’après avoir relevé le caractère international de l’arbitrage, la cour d’appel, qui n’avait pas à se référer à une loi étatique, en a exactement déduit, par une décision motivée, que la nature solidaire de l’obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d’arbitre, de sorte que cette dernière, non discutée en son montant, n’était pas sérieusement contestable".

Notons cependant que ce n'est pas la commercialité de l'arbitrage qui est ici invoquée mais le "contrat d'arbitre" : "la nature solidaire de l’obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d’arbitre", comme si, donc, le contrat d'arbitre était par nature commercial ou si le contrat d'arbitre "empruntait" la solidarité commerciale telle qu'elle résulte du litige arbitré.

On peut préférer cette seconde solution, ne serait-ce que parce qu'on voit mal les arbitres devoir être considérés comme des commerçants du seul fait de la conclusion d'un contrat d'arbitre.

Mais on peut se demander si la Cour n'a pas choisi une solution encore plus radicale, en considérant que le contrat d'arbitre contenait un mécanisme de solidarité, indépendant de la commercialité ou non (d'ailleurs, en l'espèce, la commercialité du contrat méritait discussion, un contrat de concession portuaire) du litige soumis à arbitrage.

L'explication ne serait alors pas à trouver dans les logiques contractuelle ou commerciale, mais dans le souci de rendre l'arbitrage efficace. En effet, la question du paiement des honoraires des arbitres pourrait sembler accessoire alors qu'elle est essentielle : le non paiement emporte le blocage du fonctionnement du tribunal arbitral. Or, il ne faudrait pas que le non paiement des honoraires, pour des raisons réelles ou feintes, emporte ce résultat qui pourra être équivalent à remettre en cause la procédure arbitrale choisie par les parties, voire à bloquer la résolution du litige, dans la mesure où la clause compromissoire interdit de saisir un juge étatique. Ce d'autant que la question n'est que reportée au prononcé de la sentence qui devra tenir compte du paiement déjà réalisé. La solution, purement fondée sur les logiques de l'arbitrage, est donc, de ce point de vue, parfaitement justifiée, et pourrait être adoptée, ou adaptée, en matière d'arbitrage interne, et/ou ad hoc.

D. Mainguy

 

Arrêt n° 145 du 01 fevrier 2017 (15-25.687) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2017:C100145

Arbitrage

Rejet

Arbitrage

Demandeur (s) : société Getma international

Défendeur (s) : M. Ibrahim X... ; et autres


Sur le moyen unique  :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2015), que la société française Getma international et la République de Guinée ont conclu un contrat de concession portuaire ; qu’un différend étant né de sa résiliation par la seconde, elles ont désigné MM. X..., Y... et Z... comme arbitres dans l’arbitrage ouvert, en application de la clause compromissoire, devant la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA ; qu’en cours de procédure, les parties ont accepté de fixer à une certaine somme le montant total des honoraires des arbitres ; que le tribunal arbitral a rendu sa sentence le 29 avril 2014 ; que la République de Guinée ayant refusé de payer la part lui incombant, MM. X..., Y... et Z... ont assigné en référé la société Getma international en paiement d’une provision égale à la part impayée ;

Attendu que la société Getma fait grief à l’arrêt de la condamner à payer diverses sommes aux arbitres à titre de provision, alors, selon le moyen :

1°/ que la solidarité ne se présumant pas, elle ne peut résulter que d’une disposition légale expresse ou d’une clause contractuelle non équivoque ; qu’en se bornant à énoncer, en l’espèce, pour décider qu’une obligation non sérieusement contestable au paiement de la totalité des frais et honoraires définitifs des arbitres pesait sur la société Getma international, qu’il « résulte du contrat d’arbitre conclu à titre onéreux une obligation solidaire de paiement des frais et honoraires des arbitres », sans préciser ni le texte légal, ni les stipulations du contrat d’arbitrage qui auraient été susceptibles de fonder la solidarité ainsi affirmée, la cour d’appel a statué par voie d’affirmation générale et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la solidarité ne se présumant pas, elle ne peut résulter que d’une disposition légale expresse ou d’une clause contractuelle non équivoque ; qu’aucune disposition légale ne prévoit une obligation solidaire entre les litigants quant au paiement des honoraires définitifs des arbitres ; que l’accord donné par la société Getma international et la République de Guinée, respectivement par courrier du 30 mai 2013 et courriel du 28 juin suivant, à la fixation des honoraires des arbitres à la somme globale de 450 000 euros ne contient quant à lui aucune clause de solidarité conventionnelle entre les débiteurs de cette somme ; qu’en retenant, pour décider qu’une obligation non sérieusement contestable au paiement de la totalité des frais et honoraires définitifs des arbitres pesait sur la société Getma international, qu’il « résulte du contrat d’arbitre conclu à titre onéreux une obligation solidaire de paiement des frais et honoraires des arbitres », cependant qu’il n’existait aucune disposition légale en ce sens, ni aucune clause expresse de solidarité dans le contrat d’arbitre litigieux, la cour d’appel a en tout état de cause violé les articles 873, alinéa 2, du code de procédure civile et 1202 du code civil ;

3°/ que la solidarité ne se présumant pas, elle ne peut résulter que d’une clause contractuelle non équivoque ou d’une disposition légale expresse ; qu’en affirmant en l’espèce de façon péremptoire que l’obligation solidaire entre les litigants quant au paiement des frais et honoraires définitifs des arbitres serait conforme aux usages de l’arbitrage commercial international, sans préciser sur quel élément elle se fondait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que c’est seulement dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier ; qu’une contestation sérieuse survient lorsque la prétention du demandeur repose sur des fondements incertains, l’applicabilité au litige de la règle de droit invoquée étant raisonnablement discutable ; que tel est nécessairement le cas lorsqu’un usage international, invoqué par l’une des parties, est incertain dans son existence ou sa teneur éventuelle, et donc sérieusement discutable ; qu’en l’espèce, la société Getma international contestait l’existence de l’usage de l’arbitrage commercial international allégué par les arbitres en faisant valoir dans ses conclusions d’appel que les différents règlements d’arbitrage international se bornaient à prévoir la possibilité pour l’une des parties de prendre provisoirement à sa charge la part incombant à l’autre, au stade de la constitution de la provision sur honoraires, afin de ne pas retarder ou bloquer l’instance ou d’en retarder l’issue et que cette possibilité prévue à l’égard des seules provisions sur honoraires et uniquement avant le prononcé de la sentence arbitrale, ne pouvait donc fonder un usage de l’arbitrage international impliquant une solidarité des litigants au moment du paiement du solde des honoraires définitifs des arbitres ; qu’en énonçant cependant que l’obligation solidaire entre les litigants quant au paiement des frais et honoraires définitifs des arbitres serait conforme aux usages de l’arbitrage commercial international, la cour d’appel a en tout état de cause tranché une contestation sérieuse et violé l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

5°/ que l’article 11.2 du règlement d’arbitrage OHADA indique que « si les provisions sont dues à part égales par le ou les demandeurs et le ou les défendeurs, le versement pourra être effectué en totalité par chacune des parties si l’autre s’abstient d’y faire face » ; qu’une telle stipulation, qui prévoit la simple possibilité pour une partie, et non l’obligation, d’avancer la provision due par l’autre afin de permettre à l’instance arbitrale d’avoir lieu, n’institue aucune obligation solidaire au paiement des frais et honoraires définitifs des arbitres une fois l’instance arbitrale achevée ; qu’en retenant cependant en l’espèce, pour décider qu’une obligation non sérieusement contestable au paiement de la totalité des frais et honoraires définitifs des arbitres pesait sur la société Getma international, que la solidarité des litigants était « corroborée » par ce texte, cependant que celui-ci ne consacre nullement son existence, la cour d’appel a derechef violé les articles 873, alinéa 2, du code de procédure civile et 1202 du code civil ;

6°/ que c’est seulement dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable que le juge des référés peut accorder une provision au créancier ; qu’une contestation sérieuse existe nécessairement si le juge des référés ne peut trancher le litige sans se livrer à une interprétation des contrats, pièces et documents qui lui sont soumis ; que l’article 11.2 du règlement d’arbitrage OHADA indique que « si les provisions sont dues à part égales par le ou les demandeurs et le ou les défendeurs, le versement pourra être effectué en totalité par chacune des parties si l’autre s’abstient d’y faire face » ; que cette stipulation, qui prévoit seulement la possibilité pour une partie, et non l’obligation, d’avancer la provision due par l’autre afin de permettre à l’instance arbitrale d’avoir lieu, ne fait aucune allusion à une obligation solidaire au paiement des frais et honoraires définitifs des arbitres une fois l’instance arbitrale achevée ; qu’en retenant cependant en l’espèce que cette stipulation corroborait l’existence d’une solidarité des litigants quant au paiement des honoraires définitifs des arbitres, la cour d’appel s’est livrée à son interprétation et a en conséquence tranché une contestation sérieuse en violation de l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé le caractère international de l’arbitrage, la cour d’appel, qui n’avait pas à se référer à une loi étatique, en a exactement déduit, par une décision motivée, que la nature solidaire de l’obligation des parties au paiement des frais et honoraires des arbitres résultait du contrat d’arbitre, de sorte que cette dernière, non discutée en son montant, n’était pas sérieusement contestable ; que le moyen, qui, en ses quatrième et cinquième branches, critique des motifs surabondants de l’arrêt, n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS  :

REJETTE le pourvoi ;

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