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Un arrêt, en passant, parmi les dizaines rendu sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° C. com. Où l’on observe, une fois de plus, que c’est bien la marge brute qui est indemnisée au titre du préjudice subi, telle qu’elle aurait dû être escomptée pendant le préavis qui aurait dû être accordé. Le seul moyen d’échapper au préavis, et de justifier une rupture brutale sans préavis, est d’invoquer une inexécution, un comportement, de son cocontractant fondant la rupture immédiate, à condition toutefois de l’étayer et de le prouver.

Une nouvelle fois, l’application de l’article L. 442-6, I, 5° C. com. se conforme à celle des règles du droit commun des contrats, à l’exception toutefois de la question du fondement de l’indemnisation, toujours les règles de l’article 1382 du Code civil (sur cette question, nos observations).

 

Cass. com, 24 juin 2014, n° 12-27908

LA COUR (…);  

Attendu, selon l’arrêt attaqué, et les productions, qu’en exécution d’une convention de courtage signée le 27 septembre 2005 avec la société Centragroup-Fareva elle-même créée le 1er janvier 2005, la société Offset du Haut-Vivarais (la société OHV) versait à cette société des commissions s’élevant à 35 % du montant des prestations d’imprimerie sur le conditionnement de produits pharmaceutiques qu’elle réalisait pour les sociétés Excelvision et Excelvision AG, appartenant au même groupe ; qu’en mars 2007, la société OHV a contesté ces commissions dans leur principe et leur montant ; que la société Excelvision AG a rompu immédiatement ses relations avec elle ; qu’en mars 2008, la société Excelvision a suspendu le paiement des factures émises par l’imprimeur, puis, par lettre du 26 août 2008, lui a notifié la rupture de leurs relations commerciales, cependant que la société Centragroup-Fareva mettait l’imprimeur en demeure de payer les commissions de courtage ; que la société OHV a assigné les trois sociétés en nullité de la convention et en réparation des préjudices subis résultant de la rupture ; qu’elle a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires en cours de procédure, M. X... étant désigné liquidateur ;

 Sur le premier moyen du pourvoi principal :

 Attendu que les sociétés Centragroup-Fareva et Excelvision font grief à l’arrêt d’avoir dit nulle, pour défaut de cause, la convention de courtage conclue le 27 septembre 2005 entre la société OHV et la société Centragroup-Fareva et d’avoir en conséquence condamné celle-ci à payer à M. X..., ès qualités, une certaine somme en remboursement des commissions indûment perçues alors, selon le moyen :

 1°/ que si le courtier ne peut, en principe, réclamer une rémunération que pour le marché pour lequel il s’est entremis, les parties peuvent toutefois prévoir que la rémunération sera également applicable aux transactions futures ; que tel était le cas en l’espèce, l’arrêt attaqué ayant constaté que la convention de courtage prévoyait, sans limitation de durée, « que le fournisseur s’engage à verser à la société Centragroup-Fareva (¿) une rémunération représentant la différence entre les prix bruts et les prix nets, et ce, sur les sommes effectivement payées par les sociétés du groupe Fareva » ; qu’en décidant dès lors que le courtier ne pouvait se prévaloir de la mise en relation préexistante de la société OHV avec les sociétés Excelvision et Excelvision AG pour exiger une rémunération sur toutes les opérations passées par la suite directement entre elles, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ces constations et a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que les sociétés du groupe Fareva soutenaient que la convention de courtage avait pour but « l’officialisation de l’intervention » de la société Centragroup-Fareva dans les relations entre les sociétés du groupe Fareva et la société OHV dès lors qu’en effet, elle n’avait été signée que le 27 septembre 2005, soit neuf mois après que la société Centragroup-Fareva soit devenue la société de services du groupe Fareva ; qu’elles soulignaient ainsi que la convention ne faisait que formaliser un accord antérieur sur les prestations fournies par le courtier ; qu’en se fondant dès lors sur l’objectif mentionné dans la convention de courtage, à savoir « officialiser l’intervention de la société Centragroup-Fareva dans les relations entre les sociétés du groupe Fareva et la société OHV » pour en déduire « l’existence de relations antérieures entre la société OHV et les sociétés Excelvision et Excelvision AG » et, partant, l’absence de cause de la convention de courtage, quand l’officialisation par une convention n’était pas, à elle seule, de nature à démontrer l’existence de relations antérieures, la cour d’appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du code civil ;

3°/ que la préexistence de relations commerciales ne prive pas ipso facto de cause l’intervention d’un intermédiaire pour négocier des prix et des tarifs pour le futur ; qu’en conséquence, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a encore et en toute hypothèse statué par un motif inopérant et a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1134 du code civil ;

4°/ que les sociétés Excelvision et Excelvision AG avaient expressément fait valoir que la rémunération des commissions était in fine supportée par la filiale du groupe et non par la société OHV dès lors que celle-ci augmentait ses prix de vente du montant de la commission pour aboutir à un prix brut payé par la filiale et rétrocédait ensuite cette commission à la société Centragroup-Fareva ; qu’en s’abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions de nature à établir que la société OHV-qui n’avait que reversé des sommes payées par les sociétés du groupe-n’avait en définitive rien versé indûment, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que la société OHV effectuait l’impression des emballages et étiquettes utilisées par les sociétés Excelvision et Excelvision AG et que la convention de courtage litigieuse, ultérieurement signée le 27 septembre 2005 entre la société OHV et la société Centragroup-Fareva, prévoyait le versement à celle-ci par celle-là d’une rémunération pour le service de courtage rendu, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la société Centragroup-Fareva ne justifie d’aucune relation avec la société OHV autre que la facturation des commissions litigieuses, et qu’en qualité de courtier elle ne peut se prévaloir de la mise en relation préexistante de la société OHV avec les sociétés Excelvision et Excelvision AG pour exiger une rémunération sur toutes les opérations passées par la suite directement entre elles ; qu’il relève encore que la convention de courtage avait, selon les termes mêmes des sociétés Excelvision et Excelvision AG, pour seul objectif « d’officialiser l’intervention de la société Centragroup-Fareva dans les relations entre les sociétés du groupe Fareva et la société OHV », et que cette affirmation démontre à elle seule l’existence de relations antérieures entre la société OHV et les sociétés Excelvision et Excelvision AG ; que de ces constatations faisant ressortir que les relations commerciales entre les sociétés Excelvision et Excelvision AG d’une part, la société OHV, d’autre part, étaient antérieures à la signature de la convention de courtage, et que celle-ci ne correspondait à aucun service effectif, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendait inopérant, a exactement déduit que la convention était nulle pour défaut de cause ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Centragroup-Fareva et Excelvision font grief à l’arrêt d’avoir dit fautive la rupture brutale et abusive des relations commerciales par la société Excelvision et d’avoir condamné celle-ci à payer à M. X..., ès qualités, des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que les relations commerciales peuvent être rompues par une partie, sans préavis, en cas d’inexécution, par l’autre partie, de ses obligations contractuelles ; que les manquements doivent être suffisamment graves ou de moindre gravité mais répétés et persistants pour justifier une rupture sans préavis ; qu’en l’espèce, la société Excelvision avait soutenu que la société OHV avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en livrant-avec retard-des notices non conformes aux cahiers des charges et aux dispositions d’ordre public du code de la santé publique, soulignant tout à la fois le caractère répétitif de ces non-conformités (35 lettres de réclamation entre février et septembre 2008 et visites sur site) et dangereux eu égard aux conséquences dramatiques en terme de santé publique des inversions de notice ; qu’en retenant dès lors que « ces griefs portent parfois sur des problèmes mineurs » sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les griefs adressés par la société Excelvision ne portaient pas aussi « parfois » sur des problèmes majeurs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6- I du code de commerce ;

 2°/ que la gravité des manquements reprochés à un cocontractant ne peut être appréciée au regard de leur part sur l’ensemble de la relation commerciale ; qu’en relevant dès lors que les griefs adressés à l’imprimeur « ne constituaient que partie minime en pourcentage des relations commerciales » ainsi qu’en atteste « le montant des avoirs », la cour d’appel a statué par un motif inopérant et a derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 I du code de commerce ;

3°/ que la société Excelvision avait invoqué-outre l’existence de multiples non-conformités-les retards de livraison auxquels elle avait été confrontée et qui l’avaient conduite à décaler ses propres livraisons auprès des laboratoires pharmaceutiques ; qu’en se bornant dès lors à examiner les griefs tirés des non-conformités sans répondre aux conclusions de la société Excelvision relatives aux retards de livraison, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit examiner l’ensemble des éléments de preuve régulièrement versés aux débats par les parties ; que la société Excelvision avait produit plusieurs pièces de nature à établir les multiples retards de livraison imputables à la société SOHV ; qu’en s’abstenant de toute analyse de ces éléments de preuve, la cour d’appel a derechef violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient que les griefs faits à l’imprimeur portent parfois sur des problèmes mineurs et ne constituent qu’une partie minime en pourcentage des relations commerciales, qu’il suffit pour s’en convaincre de se reporter au montant des avoirs sur factures établis par la société Excelvision elle-même à chaque incident ; qu’il relève que des difficultés ponctuelles liées au travail d’imprimeur ne permettent pas sans mise en garde ou mise en demeure préalable de rompre des relations commerciales anciennes sans préavis ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Excelvision ne justifiait pas que les manquements imputés à la société OHV étaient d’une gravité telle qu’ils justifiaient la résiliation unilatérale et immédiate du contrat, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Excelvision à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que ce dernier ne justifie pas de l’ensemble de ses demandes en termes de marge brute, mais seulement à concurrence de 300 000 euros pour l’ensemble des différentes composantes du préjudice de la société OHV ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que seul doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge brute escomptée durant la période de préavis qui n’a pas été exécutée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que pour débouter M. X..., ès qualités, de ses demandes à l’encontre de la société Excelvision AG, l’arrêt retient que la situation des deux sociétés Excelvision et Excelvision AG ne peut être assimilée, la rupture par cette dernière ayant une raison avancée sérieuse si ce n’est sincère ;

Attendu qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du même pourvoi, pris en sa seconde branche :

Vu l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt retient que la rupture par la société Excelvision AG intervenue dès mars 2007 n’a pas été dénoncée par l’imprimeur en son temps ;

Attendu qu’en statuant ainsi par un motif inopérant, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a dit recevables les appels de la société Centragroup-Fareva, de la société Excelvision et de la société Excelvision AG, confirmé le jugement déféré en ce qu’il a écarté les pièces produites par la société Centragroup-Fareva sous les numéros 16 à 18 rédigées en langue anglaise et en son refus de transmission du dossier au Parquet pour avis et suites à donner, et en ce qu’il a, au fond, dit fautive la rupture brutale et abusive des relations commerciales par la société Excelvision et condamné en son principe celle-ci à l’indemnisation de M. X..., ès qualités, et condamné enfin la même société à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 106 526, 31 euros pour ses factures impayées outre intérêts, capitalisation des intérêts et déduction de la provision de 70 000 euros allouée par la cour d’appel, l’arrêt rendu le 13 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

 

 

 

 

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