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Marie-Amélie
Zagreb, 15 juin 1995
18. Lemercier et Rahya étaient retournés à Zagreb en toute vitesse chez le général Delouvrier pour lui rendre compte des quelques informations qu'ils avaient pu glaner sur Hussein. Ils avaient également informé le général Meyer à Paris. Celui-ci leur annonça en retour qu’il s’était arrangé pour envoyer le commissaire Dunod à Belgrade afin de récupérer la cassette contenant l’image du tueur de Golovic devant l’ambassade de Yougoslavie, comme il avait promis de le faire.
Le commandant Bonnard était restée à Sarajevo. Elle devait régler les quelques formalités lui permettant de quitter pour quelque temps l’état-major du général de Rougemont, de façon à accompagner Lemercier. Elle lui avait glissé discrètement la veille qu’elle lui demandait de l’affecter à sa compagnie de façon, avait-elle dit, « à prendre la mesure du terrain pour mieux en rendre compte en tant que porte-parole des forces françaises en Bosnie ». Mais elle avait ponctué son propos d’un regard de louve qui avait bien plus facilement convaincu Lemercier. Puis elle était partie, non sans embrasser Lemercier. Un timide et discret baiser sur une joue qui lui avait laissé le sentiment que s’il ne lui était pas indifférent, elle n’était pas du genre à se jeter dans ses bras comme la première femme à soldat venue. Il était conquis et commençait sérieusement à songer à revoir sa stratégie avec Marie. Elle lui plaisait plus qu’il ne souhaitait se l’avouer : elle était belle mais surtout, elle était une femme de tête, sportive, décidée, capable de bien des initiatives et elle semblait courageuse. Il espérait simplement que cette attirance n’était pas seulement guidée par l’atmosphère guerrière qui les environnait et qui pouvait largement fausser leur jugement à tous deux, surtout par la pauvreté féminine et sexuelle qui entourait toute opération militaire. Il tentait de se figurer Marie à Paris, dans son appartement, ou ce qu’il en resterait lorsqu’il aurait réglé sa séparation avec Mathilde. Elle paraissait douce, aimante, enjouée, ici à Sarajevo. Le serait-elle en situation ordinaire ? Son métier lui avait déjà coûté une femme qu’il pensait pouvoir aimer sans compter et sans a priori. S’ils étaient deux à mener cette vie militaire, lui espion parachutiste et elle aux commandes d’une unité de guerre de la marine, que deviendraient-ils ? Lemercier pensait qu’ils résoudraient tout cela ensuite, si cette histoire avait une suite. Et même un début. Il n’en était qu’à la phase de la séduction. Je te plais, tu me plais mais on était loin encore de l’idylle. En même temps, les jours passés ensemble avaient nourri un rapprochement, une complicité. Ils avaient convenu de se vouvoyer. Il était presque impossible d’imaginer un moment d’intimité dans une situation comme la leur. Il se frôlaient parfois. Lemercier trouvait la situation ridicule, adolescente et en même temps très agréable. Il était certain que cette complicité révélait davantage qu’une simple compréhension. Toute son expérience de mec le lui disait. Ils cherchaient trop souvent à se parler, à demeurer ensemble, à s’asseoir l’un à côté de l’autre chaque fois qu’ils le pouvaient pour que ce soit anodin. Leur conversation prenaient souvent un tour très personnel, comme deux amants qui se découvrent, le sexe en moins. Lemercier désirait Marie mais ne se sentait pas frustré de ne pouvoir l’embrasser, faire l’amour avec elle. Pas encore. C’était tout simplement impossible.
Lemercier et Rahya parvinrent chez le général Delouvrier. Il était toujours affublé de sa fidèle et jolie caporale qui glissait dans le bureau, les yeux baissés en une discrétion louable que démentait un mystérieux sourire comme les ondulations de sa croupe galbée sous le regard généreux et propriétaire du général. Peut-être rénovait-il le concept de « l’épouse de guerre » que les généraux soviétiques avaient inventé pendant la seconde guerre mondiale.
Celui-ci avait rassemblé également quelques renseignements. Ils attendaient dans le fatras généralisé qui lui servait d'état-major quand un pantin articulé revêtu d'un uniforme les rejoint.
— Commandant Lemercier, lieutenant Rayha ? Lieutenant-colonel Jestrin. J'ai ordre de vous conduire chez le général, dit-il, obséquieux, légèrement penché en avant comme un majordome de luxe.
Il frappa à la porte du bureau du général, délicatement, en les regardant, un rictus étiré figé sur son visage de larbin.
— Mon général ? Les deux officiers qui souhaitaient vous rencontrer sont arrivés.
— Faites entrer! Merci Jestrin. Tiens, allez vérifier que la photocopieuse fonctionne bien, voulez-vous ?
— La photoc… Euh… Bien mon général, à vos ordres mon général.
— Asseyez-vous, les mecs. Toujours sur la piste de votre type? J'ai rencontré hier le colonel Atisevic. Vous le connaissez?
— Et comment mon général ! Il était conseiller militaire à l'ambassade de Serbie en France avant d'être remplacé par le colonel Talic, celui qui s'est fait tuer à Paris il y a quelques semaines, juste avant son adjoint, un certain Golovic. C’est précisément ce double meurtre à Paris qui nous a mis sur la piste Hussein. Ce serait un peu long de vous raconter par le menu, mais nous avons obtenu un témoignage qui nous a conduit à une cassette dans laquelle le tueur de Golovic lui disait, avant de tirer, « Souvient-toi de Ljuta et de Jelasca », qui se trouvent être deux villages du centre de la Bosnie, dans la vallée de la Neretva. Or nous savons depuis avoir rencontré le rédacteur en chef d’Oslobodjenje qu’Hussein est originaire de cette vallée.
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