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In memoriam Philippe Neau Leduc

 

Philippe Neau Leduc est parti. Dire que c'est trop tôt est une évidence. CInquante ans. DJCE en 1991, il avait rédigé une thèse sur la réglementation de droit privé sous la direction de J.-M. Mousseron et l'inspiration de Thierry Revet, avait réussi le concours d'agrégation en 2001 et était devenu professeur à Perpignan, puis à Montpellier, et enfin à Paris I. Une fois qu'on a présenté, brièvement ou longuement, sa carrière, on n'a strictement rien dit de Philippe qui ne résume en rien à quelque épitaphe, aussi longue soit-elle.

Un humour discret mais permanent, et décapant, à toute épreuve. Déjà la fac, il regardait le monde avec un petit sourire, celui de la photo, derrière ses lunettes, dont il touchait régulièrement les branches, ce qui était le signe qu'il allait dire soit une énorme blague soit quelque chose d'important, mais toujours avec ce petit sourire désarmant. Difficile de savoir s'il se moquait de lui même, ou de son interlocuteur, si par malheur (pour ce dernier), il n'était pas à la hauteur de la conversation ou de l'enjeu, voire des deux. En toute hypothèse, ce sourire, cet humour, une intelligence rare, une élégance extrême et décontractée, une capacité de conviction et une capacité de travail hors du commun faisaient de Philippe un véritable leader. Non pas un de ces leaders écrasants, écrasants et narcissiques, mais bien au contraire, un leader discret, un leader efficace à la capacité d'attraction entière et qui mordait dans le monde juridique à pleine dent, à la vitesse de la lumière.

Je l'appelais le "professeur Midas", car il transformait en or tout ce qu'il touchait. J'ai le souvenir d'un autre ami, Eric de Mari, qui me disait avoir proposé à Phillipe de se rendre à Djibouti pour une mission de je ne sais plus quoi. Je lui avais répondu qu'il devait faire attention, ce que ramènerait Philippe ne triendrait pas dans son bureau. Cela n'a pas manqué, il est devenu le conseil du Président de la République, a rédigé le droit civil et le droit commercial de pratiquement tous les pays de la corne de l'Afrique..., tout en publiant, articles et livres, dirigeant le DJCE de Montpellier, avant de passer la main et de se faire élire à Paris I, devenir président du CNU, directeur d'UFR, Vice-président de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, directeur de l'IDAI du Caire, de trois Master 2 à Paris I et notamment en fiscalité, dont il était un expert, tout comme en droit bancaire (il venait d'achever la 5ème édition de son "droit bancaire"), membre de toutes les associations professionnelles de sa discipline, et j'en oublie évidemment (et cela n'a pas d'importance), tout cela à moins de quarante-cinq ans... et sans rien traiter de manière secondaire ou pire, désinvolte, bien au contraire. Une telle activité est en soi impressionnante et aurait transformé n'importe quel autre en personnage bougon, en surchauffe voire en burn out. Il n'en était rien. Il suffisait de l'inviter pour qu'il participe à un jury de thèse ou à un colloque, participait régulièrement aux voyages de l'Association Capitant, était un conseil externe redoutable du Cabinet FIdal, la faculté et sa famille, entre Paris, Le Caire, Djibouti et Palavas, dont il venait d'ailleurs d'être réélu au Conseil municipal. Cela dit tout de lui cette élection. Lui le breton de Paris à l'accent un peu titi et qui se marrait tout le temps, l'universitaire tiré à quatre épingles, élu dans cette petite cité de pécheur où tout le monde se connaît et où il avait la délégation au tourisme je crois : il était capable d'être sur BFM TV le matin pour parler de fraude fiscale, d'assurer un cours ensuite, de régler quelques problèmes du CNU ou de l'UFR qu'il dirigeait à Paris I, et de se retrouver le soir au Conseil municipal, blaguer avec les palavasiens, pour partir la semaine suivante en Erithrée ou au Caire, voire à Monaco.

D'autres diront quel universitaire il était même si tout cela est vain désormais, mais c'est surtout un copain qui disparaît, dans cet océan et près du bassin qu'il aimait tant. Il laisse Christine bien sûr et Jean Baptiste. Tous ses amis sont effondrés, aux quatre coins de France, c'est un peu de chacun de nous qui disparaît avec lui. Aucun de ses amis ne sera absent à l'heure des rendez-vous de mémoire, ceux qui comptent, ceux où on continuera longtemps, entre nous, de parler de Philippe Neau Leduc.

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