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Chronique de droit des militaires 2021/1

Sous la direction de D. Mainguy, Professeur à la faculté de droit et science politique de Montpellier (CDCM UMR-CNRS 5815 « Dynamiques du droit ») avec l’équipe « droit des militaires » de la Clinique juridique de Montpellier[1]

SOMMAIRE

I. Généralités

1. Vision stratégique de l’armée française et de l’armée de terre

2. Le rôle de l’industrie de défense dans la politique de relance : Commentaire du rapport parlementaire « flash », B. Griveaux et J.-L. Thiériot

3. Loi de programmation militaire 2019-2025 et Budget des armées 2021

4. La mort des « drones tueurs » ? (rapport  de Ganay et Gouttefarde sur les systèmes d’armes létaux

5. Les limites de la collecte de métadonnées par les agences de renseignement : CJUE 6 oct. 2020 (2 arrêts, aff. Jointes C-511/18, C-512/18, C-520/18 et Aff/ C-623/17)

II. Droits et obligations des militaires

A. Droit civils et politiques des militaires

6. Le devoir de réserve prime sur la liberté d’expression (CE, 29 déc. 2020, n°44056)

7. Iron Man ou Spider man ? Le « soldat augmenté » à après l’avis du Comité d’éthique de la défense du 18 septembre 2020

8. « La barbe ! » Cass. soc. 8 juill. 2020, n°18-23.743, CE, Ch. réun., 12 févr. 2020, n°418299.

9. Une « ETAP » de plus ? Accident de saut militaire en parachute : (non-)responsabilité pénale des formateurs et obligation de réitérer les vérifications de sécurité d’un sauteur après « mise en chapelle (Cass. crim 8 sept. 2020,n°19-85.103) ?

10 Spécificités et usages du mariage (ou du PACS) des militaires.

B. Obligations et responsabilités des militaires

11. De la dignité et de la discipline des militaires (Cass. crim. 9 mai 2019).

C Rémunération, garantie et protections des militaires

12. Réparation des préjudices des militaires blessés, Jurisprudence Brugnot et choix de compétence (CAA Marseille, 17 nov. 2020, CE 18 nov. 2020, n°427325, Cass. civ. 1 9 sept. 2020, n° 19-16.680).

13 Cumul d’une pension militaire d’invalidité et d’une allocation temporaire d’invalidité (CE 20 nov. 2020, n°431508)

III. Droit pénal militaire

A. Le militaire victime

14. Confirmation de la condamnation d’Abdelkader Merah. Cass. Crim. 22 avril 2020, n° 19-83.475.

15. L’affaire des rétro-commissions dans « Affaire Karachi », le commencement de la fin ou « tout çà pour çà » ? Ass. plén. 13 mars 2020, n° 19-86609, 18-80162, 18-80164, 18-80165), Cour de justice de la République, affaire Karachi

B. Le militaire mis en cause

16. Trahisons envers la Chine et la Russie.

 

I. Généralités Télécharger en pdf

(...)

2. Le rôle de l’industrie de défense dans la politique de relance : Commentaire du rapport parlementaire « flash », B. Griveaux et J.-L. Thiériot. Ce rapport flash, présenté le 21 juillet 2020 devant l’Assemblée nationale a pour objectif de définir l’état, à un moment très précis, de la base industrielle et technologique de défense en France. La « base industrielle et technologique de défense » (BITD) est l’ensemble des entreprises qui participent à la fourniture de biens et services essentiels aux activités de la défense française, particulièrement liée à la souveraineté de l’État, lequel souhaite une autonomie forte de la BITD. Ce document dont l’une des vocations est la brièveté (d’où le terme de mission « flash »), vise à donner une image précise de l’état de ce secteur de l’industrie afin de proposer des orientations pour le futur, ce en pleine crise sanitaire, qui a provoqué un arrêt inédit dans la production industrielle française. Le rapport n’a pas pour but de réaliser une description exhaustive du marché, mais un état des lieux de ce qu’a endommagé la crise et de proposer des pistes pour résoudre les nouvelles difficultés qui pourraient se présenter, l’impact que l’État peut avoir sur la situation de la BITD et une adaptation éventuelle de la loi de programmation militaire 2019-2025 en cours (LPM).

Trois enjeux sont identifiés : l’arrêt de la production lors du premier confinement, la crise de l’aéronautique, les incertitudes sur les exportations. Il souligne aussi à travers quelques chiffres l’importance de ce secteur pour l’économie française en termes d’emplois ou de chiffre d’affaires (4000 entreprises, 200 000 emplois, 30 milliards de chiffre d’affaires). Le risque principal présenté par le rapport est celui d’une crise décalée dans le temps et qui fragiliserait la BITD de façon durable.

Le rapport présente les spécificités de ce marché. Celles-ci s’observent en raison de sa fonction : l’armement, outil fondamental de la souveraineté française de sorte que la BITD doit être autonome et où se mêlent considérations politiques et géopolitiques. L’État y est omniprésent. Il est acheteur sur les principaux contrats, et actionnaire dans nombre d’entreprises pour garder un certain contrôle sur cette économie. Enfin, la production et la vente d’armement sont soumises à des contrôles particulièrement importants par l’État que ceux-ci soient imposés par des instances internationales ou par des nationales. Ainsi, l’État est présent même lorsqu’il n’est pas partie au contrat en tant qu’intermédiaire. Il a un impact très important sur la façon dont va être structuré le marché puisqu’il autorise les entreprises de produire des armes, de passer des contrats, d’exporter, et intervient à tous les stades de passation d’actes. Ce marché repose sur beaucoup sur des marchés publics : 36 millions d’euros ont été investis dans la mission « défense » en 2019. Ce marché repose sur de « gros » contrats, qualifiés de « majeurs » à l’exportation lorsqu’ils dépassent la somme de 200 millions d’euros. En 2015, 11 contrats majeurs ont été conclus, pour un montant de 12,9 milliards d’euros, contre un total de 4 milliards d’euros pour les contrats d’un montant inférieur selon le rapport sur l’exportation des armements de 2016[1], passés par un très petit nombre d’acteurs de sorte que ce marché a une structure à tendance monopolistique ou oligopolistique. Les entreprises qui font partie du marché de l’armement ont, comme beaucoup d’autres, une tendance à la diversification, surtout avec le développement des biens dits « à double usage », susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire[2]. Les actifs nécessaires à la production d’armement ne sont cependant pas, pour une grande part, redéployables vers d’autres activités sans coût. Ces actifs spécifiques (propriété intellectuelle, machines-outils, bancs de test, chaîne d’assemblage...) contribuent à renforcer la dépendance bilatérale entre l’État et les industriels[3] et la contrainte des « cycles longs », au gré des LPM nécessite une organisation particulière.

Difficultés liées à la crise sanitaire. L’arrêt de production début 2020 suppose une anticipation en raison du fonctionnement du marché par cycles longs. A court terme, l’arrêt de l’activité impose un financement de soutien par l’État ; à long terme, des défauts de commandes risquent d’apparaitre d’ici 5 ans environ, à anticiper, ce d’autant que les « grosses entreprises » contractant directement avec l’Etat sont peu nombreuses (Airbus, Thales, Naval group, Dassault, KNDS et Safran) et que la grande majorité est composée d’entreprises plus petites moins résistantes à une crise, ce sans compter le nombres d’acteurs indirects, dont les très nombreux sous-traitants, classés selon leur rapport avec l’Etat. Or cette crise s’inscrit dans un marché mondial, dominé par des « super entreprises » et qui voit l’apparition de nouveaux acteurs, dont des entreprises chinoises.

Actions envisagées. Deux axes dans les propositions de dégagent. Il s’agirait de renouveler l’offre mais également la demande, à travers les marchés à l’exportation, avec les incertitudes liées aux contraintes de ces marchés, et les marchés publics français, notamment par le renouvellement des matériels anciens (qui permet en outre des économies en termes de MCO, l’augmentation des stocks de munitions et de pièces de rechange, l’investissement dans la recherche notamment dans les domaines du spatial et de l’aéronautique. o le contrôle potentiel de l’Assemblée nationale sur les contrats de vente d’armes.

Le rapport envisage également, rapidement, la question des procédures de contrôle, qui a une influence sur le paiement de commandes, mais aussi les contrats de partenariat intergouvernementaux, dont le contrat CaMO[4], premier contrat de partenariat intergouvernemental franco-belge. Il souligne également la question des « clauses d’offset » constituées de contrats accessoires à un contrat d’armement qui peuvent porter sur des transferts de technologie, des contrats avec des fournisseurs locaux, des participations industrielles, des engagements d’achat, etc. Elles peuvent être directes lorsque leur objet est directement lié au contenu du contrat d’armement et indirecte lorsqu’elles n’y sont pas directement liées. Celles-ci sont en principe interdites par en droit européen en ce que la CJUE considère  qu’ils contreviennent à la transparence requise pour la passation de contrats. Les clauses d’offsets sont assimilées à des mesures de compensations, interdites, car ayant donné lieu à des affaires de corruption en rendues possibles par ce manque de transparence. Les États ont dans un premier temps considéré que ces clauses étaient autorisées si elles respectaient le code de bonne conduite de l’Union européenne jusqu’à ce que la CJCE ne rende un avis inverse[5]. Ces clauses ne sont autorisées que par exception en vertu de l’article 346 du TFUE pour les contrats conclus pour la défense nationale. La politique en termes de clauses d’offset se fait donc au cas par cas, de manière exceptionnelle, alors même que de nombreux États contournent ces dispositions et que leur absence emporte des pertes de marché préjudiciables pour les entreprises françaises[6].

Charlotte Houlard

 

[1] Rapport au Parlement de 2016 sur les exportations d’armement : https://www.defense.gouv.fr/content/ download/473688/7580682/file/RAP-2016.pdf.

[2] Règl. CE n° 428/2009, art. 2.

[3] Cf. R. Bellais, M. Foucaultet J. Oudot « Politiques d'acquisition des systèmes d'armes », in R. Bellais, Économie de la défense, Paris, La Découverte, 2014, p. 39 s.

(5) https://people.defensenews.com/top-100/

[4] Partenariat stratégique franco-belge CaMo : entrée en vigueur de l’accord intergouvernemental et notification du contrat d’acquisition des véhicules blindés, https://www.defense.gouv.fr/dga/actualite/ partenariat-strategique-franco-belge-camo-entree-en-vigueur-de-l-accord-intergouvernmental-et-notification- du-contrat-d-acquisition-des-vehicules-blindes.

[5] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Vers un secteur de la défense et de la sécurité plus compétitif et plus efficace, COM(2013) 542 final, 23 juill. 2013. « Les exigences de compensations économiques, quelle que soit l’appellation qui leur est donnée, sont contraires aux principes du traité UE et aux méthodes de passation de marchés efficaces. La Commission œuvre à la cessation rapide de cette pratique et encourage d’autres mesures non discriminatoires afin de faciliter l’accès transfrontalier aux marchés pour les PME. »

[6] M. Chettab, J. Gakosso, et al. « Comment la France peut-elle rester compétitive sur le marché mondial dans le domaine des offsets? In L'Europe et la position de Bruxelles, AEGE, 2011 http://bdc.aege.fr/public/Comment_la_France_peut_elle_rester_competitive_sur_le_marche_mondial_dans_le_domaine_des_offsets.pdf ; S. Coissard, P. Croyère, et al. « L’approche offsets des grands groupes industriels britanniques  : Un modèle pour la France? », AEGE, 2011,  http://bdc.aege.fr/public/L_approche_offsets_des_grands_groupes_industriels_britanniques.pdf. Adde F. Coulomb, , Industries de la défense dans le monde, PUG, 2017.

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