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Aubry et Rau (Charles Aubry et Charles Rau) (3 les réformateurs)

 

Charles Aubry et Charles Rau dits « Aubry et Rau » (et non Obriero comme on le lit parfois dans les copies…) sont deux universitaires strasbourgeois qui ont initié le tournant, la réforme entre les contemplatifs, les auteurs suivant la promulgation du Code civil et les réformateurs, quoiqu'ils se situent dans la période des contemplatifs (2), Duranton, Demolombe, Troplong. Le tournant c’est-à-dire la fin de la contemplation parfois béate du Code civil dans l’enseignement, due, d’une part à l’écoulement du temps depuis la promulgation du Code civil, aux changements, scientifiques, économiques et sociaux majeurs dont l’Empire (le Second) fut l’initiateur, ce qui permettait, idéologiquement, de remettre en cause la magie du premier, et enfin, la (re)montée en puissance de l’Allemagne (le BGB est adoptée en 1900), de ses philosophes, Kant, Hegel, Marx, Nietzche, notamment et de ses juristes, Jhering, Savigny, Zachariae.
 

Charles Aubry (1803-1883) fut professeur à Strasbourg de 1833 à 1871 avant d’entrer à la Cour de cassation, tout comme son ami Charles Rau (1803-1877) : ils échouèrent ensemble à leur première tentative d’agrégation au concours ouvert dans la faculté de droit de Strasbourg  (à l’époque, ce concours n’était pas national) pour réussir à leur seconde tentative, entre 1830 et 1833.


Le premier était très catholique, le second très protestant. Les deux quittèrent Strasbourg après la défaite de 1870. Le premier entra à la Cour de cassation en 1872, le second en 1867 (quelques années avant son fils Gaston qui y entra comme avocat général où il poursuivit l’œuvre de son père et d’Aubry). Il est difficile de parler de l’un sans traiter de l’autre tant ils sont indissociables, comme ils l’étaient d’ailleurs dans la vie.


Ils sont surtout connus pour leur traité de droit civil, intitulé Cours de droit civil français d’après la méthode de Zachariae, paru entre 1837 et 1847, la quatrième, parue en 1873 étant généralement considérée comme la plus achevée (rééditée et augmentée, sans la référence à Zachariae, puis avec des auteurs successifs et notamment Etienne Bartin, puis Paul Esmein et André Ponsard, jusqu’en 1973, une dernière édition ayant été entamée en 1989), traité adapté, pour ne pas dire traduit dans un premier temps, du Traité allemand Handbuch des französischen Civilrechts de Karl Salomo Zachariä, que nous écrivons Zachariae en France (Cf. J.-M. Poughon, Aubry et Rau, Les œuvres, leurs enseignements, PU Strasbourg, 2006).


Ils furent ainsi les premiers à présenter le « droit civil » non pas à la manière du Code civil, article du Code par article du Code, mais à la manière ancienne, c’est-à-dire par matière, et encore à la manière allemande des Pandectes (Droit civil théorique, droit civil pratique, droit des personnes, de la famille, etc.) et donc en commençant à se détacher de la lettre du texte, dans la mesure où Zachariae expliquait le droit civil français à la manière allemande, le droit français s’appliquant sur les territoire de la rive gauche du Rhin et donc dans le Duché de Bade dont dépendait Heidelberg, où enseignait Zachariae.


L’importance d’Aubry et Rau est immense. On a du mal à se figurer, aujourd’hui, la place que pouvait avoir alors la doctrine, les professeurs de droit, très peu d’ailleurs, leur autorité, et tout spécialement celle d’Aubry et Rau, dont on dit que leur seule mention dans les tribunaux suffisait à convaincre le juge.


On doit à ces auteurs des pans entiers du droit français contemporain. Ainsi la théorie du patrimoine, inspirée du droit allemand et qui figure dans le § 573, pages 229 et suivants du Traité (t.6), comme c’est le cas de l’action directe et de bien d’autres institutions, ensuite consacrées par la Cour de cassation, du vivant ou non d’Aubry et Rau.

  By DM

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