Marcel Planiol (1853-1931) né à Nantes où il suivit ses études de droit, devint avocat (il fut un temps où il était essentiel d’être avocat pour prétendre au concours d’agrégation) et soutint une thèse sous la direction d’Accarias, intitulée Des bénéfices accordés aux héritiers en droit romain et du bénéfice d'inventaire en droit français en 1879. Agrégé l’année suivante, il choisit l’université de Grenoble où il enseigna droit civil, droit romain et droit fiscal ( !) avant d’être élu à l’université de Rennes en 1882 puis à La Sorbonne, en 1887, où il succède à Charles Beudant, autre auteur d’un traité célèbre (Beudant et Lerebourg-Pigeonnière), toujours pour y enseigner le droit romain (les pandectes), un cours de législation ouvrière, ancêtre, alors, du droit du travail et du droit des brevets, et de droit pénal. Il contribue alors à la rédaction de l’Encyclopédie Berthelot, le concurrent de l’Encyclopédie Larousse. Il écrivit en outre un Droit public et privé de la Bretagne qui fut primé (en Bretagne et par l’Académie des sciences morales et politiques et toujours amplement cité).
En 1899, il se consacre à la publication du traité qui fera sa renommée, le Traité élémentaire de droit civil, « élémentaire » en ce sens qu’il cherche à revenir aux « éléments » fondateurs du droit civil, notamment issus du droit romain et débarrassé des ajouts des romanistes du Moyen-âge.
L’originalité fut aussi d’intégrer le droit civil français dans une considération subjective, tournée vers l’idée de faute, d’obligation et de responsabilité, morale donc, de revenir à une tradition de la présentation du droit civil par matière (droit des personnes, de la famille, des obligations, etc.) et non de suivre le Code civil article par article, comme c’était le cas avant le Code civil, avec Pothier et Domat, notamment, et enfin d’illustrer les règles qu’il explicite par des exemples vivants, ceux issus de la jurisprudence. Il y promeut notamment le droit naturel, qu’il conçoit, au rebours des théories philosophiques comme un « petit nombre de maximes, fondées sur l'équité et le bon sens, qui s'imposent au législateur lui-même », et d'après lesquelles l'œuvre législative pourra être appréciée. L’ouvrage immédiatement concurrent est celui de Baudry-Lacantinerie.
Planiol avait des idées très arrêtées, contre la notion d’abus de droit qu’il jugeait inconcevable, contre la copropriété familiale du nom, contre les personnes morales, contre l’analyse classique des droits réels, avec une thèse fameuse pour expliquer l’opposabilité erga omnes des droits réels, fondée sur une obligation passive universelle, à l’idée de contrats innomés, à la théorie de la cause (avec Planiol naît l’école anticausaliste), à la responsabilité du fait des choses, etc., toutes positions dont on notera sans impertinence qu’elles n’ont pas percé.
Malgré cela, l’autorité de Planiol s’est poursuivie, sans doute en raison de cette qualité difficilement mesurable dans certains écrits, tenant au style, au pouvoir de séduction des mots, l’ampleur non technicienne des propos, qui font les grands auteurs. Après huit éditions successives et marqué par le décès de son fils de 20 ans pendant la guerre de 1914-1918 et celle de sa fille, Planiol cesse d’enseigner et les tomes du traité furent confiés à Georges Ripert, avec lequel il publia également un autre Traité pratique et théorique de droit civil (cf. pour une recension par Marc Ancel), traité qui sera lui-même repris par quelques grands noms (dont René Savatier, aux antipodes de Ripert, pourtant). Cette continuation par Ripert est très certainement à l’origine de la pérennité du succès de l’ouvrage, malgré les positions de départ de Planiol.
Planiol est un réformateur en ce sens qu’il participe à la refondation du droit français sur le sens d’une historicité de ce droit. En effet, au contraire de l’idée de rupture révolutionnaire telle que les premiers commentateurs du Code civil le présentent (« je fais un cours de Code civil, point de droit civil, etc. »), Planiol, comme d’autres puisent aux origines du droit romain. La refondation est à l’image de celle proposée par le duo Savigny-Jhering. Savigny, en réaction contre le Code civil français et l’esprit des Lumières en appelle à l’histoire du droit allemand fait de coutumes, le droit allemand est fondé sur la culture allemande, sa langue, etc. qui trouve donc sa source au-delà des soubresauts de l’histoire. Mais Jhering, qui trouve cependant que l’évolution du droit est trop lente y ajoute la lutte pour le droit. De manière voisine, l’école historique française retrouve les sources romaines et coutumières du droit français par une série de principes qui, ainsi, sont de nature à figer le droit français. Nous verrons, avec Ripert, que le résultat est surprenant.
By DM